Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/508

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Sur quoi je dirai, que la hardiesse de ces médiocres écrivains n’a pas moins de fondement que la retenue des autres.

Car ceux-ci tâchant de ne tomber pas dans des redites inutiles, n’écrivent que pour ceux qui ont déjà beaucoup d’acquis et commencent d’ordinaire leurs raisonnements là où les autres les finissent ; si bien que leurs pensées supposent que le lecteur est venu de soi-même au lieu où elles vont prendre pour le conduire plus avant. Mais ceux-là, au contraire, délivrés du scrupule que les autres ont de traiter des matières triviales, entassent indifféremment tout ce qu’ils peuvent ramasser, ne rejetant rien de ce qui peut grossir leurs volumes, et même les choses les plus communes leur sont les meilleures, parce qu’elles se rencontrent en plus grand nombre, et qu’elles sont les plus accommodées à la portée du vulgaire. Or, comme les lecteurs de cette classe sont fort épais et composent la plus grande partie de ceux qui se mêlent de juger des livres, ce n’est pas de merveille que les plumes les plus grossières aient plus de hardiesse à publier leurs ouvrages, que celles qui sont mieux taillées. Car encore que nous devions avoir pour indifférent le jugement de la multitude, pourvu que les plus honnêtes gens estiment ce que nous faisons, il