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cessa jamais d'être étudié on y réimprime encore, en éditions populaires et classiques, les principaux de ses ouvrages ; il a toujours eu en Grande-Bretagne des admirateurs fervents et déclarés : l'un d'eux, au début du dernier siècle, Sir William Molesworth, nous a même donné la seule édition complète que nous possédons de ses œuvres. Il est facile d'apercevoir que Locke et Hume, et, jusqu'à un certain point, Berkeley lui-même[1] procèdent plus ou moins directement de Hobbes pour le meilleur de leurs idées. Enfin, si l'on analyse soigneusement l'esprit de la nation anglaise, on y découvre beaucoup plus que des traces de l'influence de ses conceptions… Ailleurs, il est loin d'en être de même.

En Allemagne, où la pensée philosophique a suivi depuis Kant une orientation de plus en plus métaphysique et romantique, l'influence de Hobbes semble avoir été nulle et j'ai déjà montré dans un autre ouvrage que c'est une grave erreur de croire que les théories qui font de la force le fondement du droit (ce terme étant pris ici dans le sens de droit idéal) qu'on a tant reprochées à certains philosophes et publicistes allemands peuvent à quelque titre se rattacher aux conclusions hobbiennes. Nietzsche est à vrai dire l'antipode de Hobbes[2], et, comme je crois l'avoir établi, on doit assigner à ses idées une tout autre origine.


  1. Lire dans G. Lyon (L'Idéalisme en Angleterre au xviiie siècle, Paris, Alcan, 1888) le paragraphe II du chapitre II où est très bien montré comment les germes des doctrines de Berkeley et de Collier sont contenus dans le traité de la Nature humaine.
  2. Voir à ce sujet : R. Anthony. La Force et le Droit. Le Prétendu droit biologique. Bibliothèque Philosophie contem- poraine. Paris, F. Alcan, 1917. On sait au surplus l'exécution sommaire que Nietzsche faisait de toute la philosophie anglaise et de celle de Hobbes en particulier : « Hobbes, Hume et Locke sont un abaissement et un amoindrissement pour près d'un siècle de l'idée de philosophie ». (Par de là le bien et le mal. Traduct. L. Weiscopf et G. Art. Paris. Société du Mercure de France, 1898, Parag. 252).