Page:Hoefer - Biographie, Tome 26.djvu/417

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Bloiiné madame sa mère lorsqu’il partit pour la roisarle. Alors, dit-il, je commençai à trem- )ler bien fort, et pour la paour que je avoie, i pour la maladie aussi. Il demanda à boire; nais le mal qu’il avait à la gorge était tel, que ’eau ne pouvait passer et lui sortait par les naines. A cette vue, ses gens se mirent à plorer

t mener grand deuil, pensant que l’apostume

i la gorge allait l’étouffer. Un remède qui lui fut idministré par un Sarrasin le guérit en deux ours, et il fut. conduit auprès de saint Louis. Là un écrivain du Soudan prenait le nom de tous es chrétiens qu’on avait faits prisonniers; celui le Joinville y fut inscrit. Entré dans la tente où se trouvaient les barons de France et autres captifs, on mena une si grande joie de le voir, ku’U ne savait, dit-il, auquel entendre , et muaient le Seigneur, cuidant m ’avoir perdu. De là il fut transféré dans un autre pavillon, près duquel, dans une cour entourée de murs, un ?rand nombre de chevaliers et autres gens étaient retenus prisonniers ; ils en étaient tirés l’un après l’autre, et on leur demandait : Te veux-tu renier ?

Ceux qui reniaient leur foi étaient mis part, 

ceux qui persistaient avaient la tête coupée (1). Ce fait est confirmé par l’historien arabe Makristi : « Quant aux prisonniers , dit-il , comme ils embarrassaient par leur multitude, le sultan ordonna à un de ses émirs de s’en défaire peu à peu. Chaque jour cet émir, appelé Saïf ed-Din-Youssouf, mettait trois ou quatre cents de ces prisonniers à part, et leur faisait couper la tète, après quoi il jetait leurs corps dans le fleuve. » Selon Saad-Ed Din, le nombre des chrétiens qui furent faits prisonniers à cette journée dépassa vingt mille, sans compter sept mille qui périrent dans le combat ou se noyèrent. « J’ai vu, dit-il , j’ai vu les morts et les mourants ; ils couvraient par leur masse la face de la terre. » D’après Makrisi et Aboulmahassen, autre historien arabe, la presque totalité des prisonniers aurait été massacrée. Tous deux portent le nombre des morts à trente mille; cinq cents des plus braves, dit Aboulmahassan, restés auprès du roi, se rendirent, et furent conduits à Mansourah (2) par l’ennuque Génial ed-Din (3). (1) Le récit de ce terrible épisode a été reproduit avec plus de détails par Joinville dans son Commentaire du Credo où cette scène dramatique est figurée dans une miniature.

(8) Reinaud, Extraits des Hist. arabes relatifs aux croisades.

(3) En lisant le récit que notre historien Jean-Pierre Sarrasin, témoin oculaire, nous fait de la fureur fanatique qui enflammait les chrétiens de l’armée de saint Louis, on ne saurait s’étODncr des représailles exercées par les Musulmans : « Le comle d’Artois, dit cet « historien , ayant pissé le gué , à la tète de son avantgarde, tous les Musulmans qui se trouvoient en face « de son camp furent déconfits et presque tous passés « au fil de l’epée ; nos gens se portoient dans les demeures des Turcs, tuant tout, sans épargner ni hommes, ni femmes, ni enfants, ni vieux, ni jeunes, grands " ni petits, hauts ni bas, ni riches, ni pauvres ; ils les « découpoient, les tranchoient et les passoient tous au « fil de l’épée. S’il se trouvoit des vierges, des vieillards, VILLE


Après bien des obstacles, et des périls où la grande âme de saint Louis semble l’élever au-dessus de l’humanité , la rançon du roi et de l’armée fut acceptée; les navires sur lesquels le roi et ses barons étaient montés allaient mettre à la voile et sortir de Damiette, lorsqu’une conspiration des Mamelouks éclata. Le Soudan, attaqué dans sa tente, placée sur le bord du Nil, dut se jeter dans le fleuve pour tâcher de se sauver à la nage; mais, poursuivi par les conjurés, il fut égorgé près de la galère où Joinville était monté. Les émirs, couverts du sang de leur sultan et animés par le fanatisme, vinrent plusieurs fois sur les vaisseaux où étaient les prisonniers, menaçant de les tuer ainsi que le roi, qui dans ce nouveau péril montra la même noblesse d’âme et la même fermeté. « Quant à moi , dit Joinville, voyant tout plein de gens qui se confessoient à un père de La Trinité, je ne me souvins oneques de pechié que j’eusse fait ; et songeant que plus je me defendroie et gauchiroie, et pis m’en adviendrait, je me signai; je m’agenoillai au pié de Vun d’euloc, qui tenait une hache à la main, et dis : Ainsi mourut sainte Agnès. » En ce moment le connétable de Chypre, Gui d’Ibelin, à genoux, se confessait aussi à Joinville, qui lui dit : Je vous absols comme Dieu m’a donné de tel pouvoir; mais, ajoute Joinville, quand je me levai d’illec il ne me souvint oneques de chose que il m’eust dite ne racontée.

Enfin, après bien des alternatives cruelles qui mirent à chaque instant la vie des chrétiens en péril, le roi, par un accommodement, obtint sa délivrance ainsi que celle de ses barons, en payant une forte rançon et en livrant Damiette. Trente mille livres manquaient pour compléter la somme. Joinville conseilla à saint Louis de les demander au commandeur du Temple; mais celui-ci s’étant réfusé à les donner, Joinville, du consentement du roi, revint les exiger. « Dès que je fus descendu ,dit-it, là où le trésor estoit, je demandai au trésorier du Temple qu’il me baillast les clefs d’une huche qui estoit devant moy, et lui , qui me vit maigre et descharné de la maladie et en l’habit que j’avois porté en prison, dit qu’il ne me les bailleroit nulles. Lors ayant regardé une cognée qui gisoit illec, si la levai , et dis que je en ferois la clef du roi. Ebahi de ma résolution , les clefs me furent alors données. »

Si dans cette croisade Fanimosité des musulmans fut grande, et si l’enthousiasme religieux fit de nombreuses victimes , le récit de Joinville et celui des historiens arabes nous montrent cependant quelques traits de générosité et d’hudes enfants qui se fussent cachés pour éviter la mort, «ni cris, ni gémissements, ni prières n’nbtenoient « merci; tous étoient mis à mort. Là fut tué Fakrcddin, « chef de l’armée des Sarrasins , et je ne sai combien « d’émirs et hauts et puissants personnages el des autrès. »