Page:Hoefer - Biographie, Tome 26.djvu/421

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jardin de Paris (1), soit sous le chêne du bois i ; Vincennes.

■ Les largesses que le roi fit à Joinville ne furent liint le prix de la flatterie ou de l’obsession , I toujours Joinville obtint justice du roi contre I s envieux ou ses calomniateurs.

U Vingt ans s’étaient écoulés depuis le retour Orient, et Joinville, lorsqu’il n’était pas à la I ur, s’occupait dans ses domaines à bâtir et ré-I irer les églises, à faire rappeler sur les vitraux I I la chapelle de Joinville et de l’église de Blé-Burt le souvenir de ses voyages d’outre mer et ||:S périls auxquels il avait eu le bonheur d’é- . apper, enfin à jouir des charmes du foyer do- ■ estique, quand tout à coup, en 1270, il aplend que le roi mandait ses barons à Paris, et li-même, sur une invitation pressante pour s’y [jndre, quoique malade de la fièvre quarte, ne lot résister aux instances du roi. Mais, arrivé ■Paris , un songe lui fit voir le roi agenouillé de-Itnt l’autel et revêtu par des prélats d’une robe l’Uge en serge de Reims. Son chapelain Gréliire, qu’il consulta au sujet de ce rêve, et qui oult cstoit sage, lui dit qu’il s’agissait d’une javelle croisade que voulait faire le roi et que I serge de Reims annonçait que la croisade seiit de petit exploit, comme verrez, si Dieu I ms donne vie. « L’interprétation de Guillaume, jt fort bien M. Nisard, ce songe lui-même, [ était le bon sens français qui commençait à | avoir plus foi aux. croisades. » Dès le len- [ imain , le roi , avec ses trois fils et plusieurs [ î ses barons , se croisait ; mais Joinville, malgré l s instantes prières du roi et de Thibaut, son ,’igneur, persista daus son refus de prendre la i’oix de nouveau. Ce refus dut lui être pénible; ’ lais il allégua que tandis qu’il avoit esté outre lier, ses vassaux avaient tant souffert, que nix et lui s’en sentiraient toujours; que les argents de France et le roi de Navarre avaient "■étruït et apovroyé ses gens ; que sa présence l;ur était indispensable ainsi qu’à ses enfants; nfin , pressé par le roi, Joinville ajouta ces paoles mémorables : « Si je voulois ouvrer au

gré de Dieu, je demeurerais ici pour défendre
et aider mon peuple; car si je poriois mon

i corps au pèlerinage de la croix , voyant tout £ cler que ce seroit au mal et au dommage de « ma gent, j’agirois contre Dieu, qui mist son « corps pour son peuple sauver. » Mais l’enthousiasme religieux de saint Louis ne vit probablement qu’un sophisme dans un aussi sage raisonnement; il crut mieux obéir à la voix de Dieu en exposant sa vie et la fortune de la France pour le triomphe de la croix et l’accomplissement (l’un saint devoir.

Le sérieux apporté par Joinville dans le récit de sa vision fait présumer que la prédiction de son chapelain sur le résultat de cette nouvelle (1) Situé sur l’esplanade de la place Dauphine en face le Palais de Justice.

JOINVILLE 822

croisade, réveillant en lui le souvenir des malheurs et des périls de la précédente, le fortifia dans sa résolution : loin de l’approuver, je entendi , dit-il , que tous ceuz firent péché mortel qui louèrent au roi Vallée, etc. Quelle douleur ne dut-il pas ressentir lorsqu’il apprit les malheurs qui frappèrent dès le début cette imprudente croisade, et la sainte mort de. son roi , son ami , son frère d’armes et l’objet de son culte! « Précieuse chose, dit-il, et digne est de plorer le trespassement de ce saint prince, qui si saintement et si loyalement garda son royaume et qui tant de belles aumosnes y fist et qui tant de beaux establissements y mist. Et ainsi comme l’escrivain qui a fait son livre, et qui l’enlumine d’or et d’azur, enlumina ledit roy son royaume de belles abbaïes qu’il y fist, des mansions-Dieu, des Preescheurs des Cordeliers, etc. » Le fils de saint Louis, Philippe III (le Hardi), témoigna à Joinville la même confiance que son père. Un ancien cartulaire porte que Joinville fut une des cautions que donna Henri roi de Navarre au roi de France Philippe III, pour une somme de 3,000 livres qu’il lui devait; l’acte est daté de 1271. Plusieurs jugements rendus par Joinville en 1283 et 1284, comme sénéchal de Champagne , montrent qu’il était dans ses domaines à cette époque.

Lorsque la reine de Navarre Jeanne, en épousant Philippe le Bel , transmit à la couronne de France, avec son titre à cette royauté, celui des comtés de Champagne et de Brie, elle voulut donner à Joinville une nouvelle preuve de son affection, en lui conférant la régence de ces deux comtés. C’est donc comme gouverneur de Champagne, qu’en 1285, pendant l’expédition de Philippe le Hardi et de son frère (1) en Espagne contre le roi d’Aragon , Joinville présida aux assises des grands jours de Troyes et y prononça des arrêts.

Au commencement du règne de Philippe le Bel, Joinville eut le bonheur de voir s’ouvrir les enquêtes pour la canonisation de celui dont il avait admiré de près la sainte vie , ly sainct roi , comme il se plaît tant à l’appeler. Dans l’enquête préalable , qui eut lieu à Saint Denis (du 12 au 18 août 1282), devant les cvêques et les cardinaux réunis, Joinville, entendu comme témoin , déclara , sous serment, nous dit le confesseur de la reine Marguerite , « que pendant trente-quatre ans qu’il vécut avec le benoît roi, il ne le vit ou ouït oneques dire à autrui parole de détractation, ni homme plus attrempé ( modéré ) ni de greigneur (plus grande) perfection, et qu’il croit qu’il soit en paradis et que nostre sire Dieu doit bien faire miracles pour lui (2). » (1) Philippe, depuis Philippe IV, dit le Bel. (2) Le confesseur de la reine Marguerite, en rapportant le témoignage de Joinville, indique ainsi son âge : ;t Monseigneur Jehan, sire de Joinville, du diocèse de Ciiaalons. homme d’avisé et moult riche , senestiial de ChampaLgne, aage de cinquante ans ou environ. »