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gentilshommes du Poitou, coalition dont le but était de s’emparer de la route de Lyon, et d’attendre là les princes émigrés qui étaient en Savoie. Cette entreprise ayant échoué, par l’arrestation de Louis XVI à Varennes, Lescure retourna dans ses terres. Bien qu’il n’approuvât pas l’émigration, il fut entraîné par l’exemple que lui donnait toute la noblesse, et, cédant aux reproches qu’on lui adressait, il se rendit à Tournay. Mais bientôt il revint en France pour soigner son aïeule, qui touchait à son dernier moment. Ce fut alors qu’il épousa mademoiselle de Donnissant, fille unique du marquis de Donnissant, gentilhomme d’honneur de Monsieur. Il se fixa à Paris afin d’être toujours à portée de défendre le roi ; mais après avoir assisté aux journées du 26 juin et du 10 août 1792, il fut obligé de se retirer dans son château de Clisson, près Bressuire. La levée de trois cent mille hommes ayant fait soulever la Vendée, Lescure fut arrêté ainsi que toute sa famille et enfermé dans les prisons de Bressuire, d’où il fut délivré par les royalistes. De retour à Clisson, il devint un des principaux chefs de l’armée vendéene. Le général républicain Quétineau étant venu s’établir à Thouars, Lescure l’attaqua le 5 mai, mit en fuite les républicains et occupa la ville de Thouars, entra dans Fontenay, le 25 mai, et le 10 juin s’empara de Saumur, où il fut blessé au bras. Sur la proposition de Lescure, Cathelineau (voir ce nom) fut nommé généralissime des armées royales. Après une attaque infructueuse sur Nantes, le 29 juin, l’armée royaliste fut dissoute, et Lescure se rendit dans le Bocage. Lorsque les républicains eurent brûlé ses châteaux d’Armaillou et de Clisson, Lescure se retira à Bussière, fit sonner le tocsin, et parvint à réunir quatre mille paysans et quatre pièces de canon. La Rochejacquelein lui amena de Saumur un nombre à peu près égal de combattants ; mais Westermann, à la tête de cinq mille hommes, les força à évacuer Bussière pour défendre Châtillon ; le 16 juillet, l’armée républicaine s’avançant rapidement dans la basse Vendée, les chefs royalistes réunirent toutes leurs forces, s’élevant à quarante mille hommes. Les deux armées se trouvèrent en présence le 19 septembre entre Tiffauges et Chollet. Les Vendéens forcèrent les républicains à une retraite qui eût été désastrueuse sans une savante mesure prise par Kleber, qui commandait les troupes mayençaises. Lescure fit preuve de courage aux affaires de Montaigu, de Clisson et de Saint-Fulgens, les 21 et 23 septembre. Le 8 octobre il campait sur les hauteurs du Moulinaux-Chèvres, lorsqu’il fut attaqué par les généraux Chabot et Westermann ; il commença par repousser les républicains, mais l’aile gauche des Vendéens fut mise en déroute, et la ville de Châtillon fut enlevée par l’ennemi. Lescure se distingua encore à la reprise de cette ville qui eut lieu deux jours après. Le 15 octobre il marchait avec sa division sur la route de Mortagne pour se diriger sur Chollet, lorsqu’il rencontra l’avant-garde des républicains dans les avenues du château de La Tremblaye ; s’étant porté en avant pour reconnaître la route, il monta sur un tertre, et découvrant tout près un poste des patriotes, il cria à ses soldats : Mes amis, en avant ! À peine eut-il prononcé ces mots, qu’il fut atteint par une balle qui, entrant près du sourcil gauche, sortit derrière l’oreille. En voyant tomber leur général, les Vendéens perdirent courage ; ramassé par quelques-uns des siens et par un domestique fidèle, qui s’aperçut qu’il respirait encore, Lescure, malgré ses souffrances, fut porté à la suite de l’armée vendéenne, qui, pressée de toutes parts, était obligée de passer la Loire. Il trouva encore la force de diriger par ses conseils ses compagnons d’armes, et leur donna l’exemple de la résignation jusqu’à sa mort, qui eut lieu à la suite d’une douloureuse agonie, pendant une marche de l’armée.

Le marquis de Lescure avait sur les Vendéens un grand empire, qu’il devait à son courage et à sa piété ; même dans les moments les plus critiques, s’il rencontrait une croix sur sa route, il s’agenouillait, priait quelques instants ainsi que toute sa troupe, qui se relevait à sa voix et s’élançait au combat avec une nouvelle énergie.

M. de L. et A. J.

Mémoires de M me la marquise de la Rochejaquelein ; Paris, 1817. — Théodore Muret, Histoire des Guerres de l’Ouest ; Paris, 1848. — Crétineau-Joly, Guerres de la Vendée. — De Courcelles, Dict histor. et bioqraph. des Généraux français.

LESCUREL (Jehannot de), poète français du quatorzième siècle. On ne sait rien de sa vie, et ses œuvres ont été exhumées récemment. C’est même par hasard que l’on connaît son nom. Ses poésies se trouvent à la suite du roman de Fauvel (n° 6812 des manuscrits françois de la Bibliothèque impériale). Elles occupent six feuillets, et sont écrites à trois colonnes. Le premier couplet de chaque chanson est accompagné de la musique, et les autres sont écrits ccmme de la prose sans distinction de vers[1]. Dans la table générale du manuscrit on lit l’indication suivante : « Item balades, rondeaux et diz entez sur refroiz de rondeaux, lesquiex fist Jehannot de Lescurel, dont les commencements s’ensuivent. » Cette courte mention ne nous apprend rien sur l’époque où vivait Lescurel ; mais il ne peut pas être postérieur au milieu du quatorzième siècle, puisque le manuscrit est de cette époque. D’après un vers d’une des chansons, M. de Montaiglon pense qu’il était de l’Ile-de-France : ses poésies, peu nombreuses

  1. « Dans les deux dernières pièces, beaucoup plus longues, dit M. de Montaiglon, et qui sont des espèces de fatrasies, sans avoir l’obscénité de celles publiées par Méon et par Jubinal, les vers sont distingués, et il n’y a de musique qu’aux refrains, qui sont pris à d’autres poésies, quelquefois même à celles de l’auteur, et qui sont le cadre et l’échafaudage de ces pièces, comme les rimes dans les bouts rimés. »