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les reines d’Angleterre gouvernent mieux que les rois ? C’est que les hommes gouvernent sous le règne des femmes, et les femmes sous celui des hommes. » Sa vivacité l’emportait quelquefois trop loin ; mais elle saisissait bien les moments. Remarquant que le roi était importuné de la dévotion du duc de Bourgogne, son époux : « Je désirerais, disait-elle, de mourir avant mon mari et de revenir ensuite pour le trouver marié avec une sœur grise ou une tourière de Sainte-Marie. » Le même historien ajoute qu’admise dans la plupart des secrets de la politique, elle instruisait son père de tout ce qui pouvait l’intéresser. Cette faute grave, que révéla l’examen des papiers de la duchesse, affecta sensiblement Louis XIV, qui ne put s’empêcher de dire à Mme de Maintenon : « La petite coquine nous trompait. » La duchesse de Bourgogne succomba en fort peu de temps à une épidémie qui faisait alors beaucoup de ravages, la rougeole pourprée, et qui emporta, six jours plus tard, son mari. Elle avait vingt-six ans, et avait porté le titre de dauphine pendant dix mois. Si elle eût survécu à son mari, il est probable que le vieux roi lui aurait dans son testament décerné la régence. Voici quelques passages du portrait que Saint-Simon a tracé d’elle : « Quant à la figure, elle étoit régulièrement laide. Les joues pendantes, le front avancé, le nez qui ne disoit rien, de grosses lèvres tombantes, des cheveux et des sourcils châtains bruns, fort bien plantés, des yeux les plus parlants et les plus beaux du monde, le plus beau teint et la plus belle peau, le cou long avec un soupçon de goître qui ne lui seyoit point mal, un port de tête galant, gracieux, majestueux, et le regard de même ; le sourire le plus expressif, une taille longue, ronde même, aisée, parfaitement coupée ; une marche de déesse sur les nues ; elle plaisoit au dernier point.... En public, sérieuse, mesurée ; respectueuse avec le roi, et en timide bienséance avec Mme de Maintenon. En particulier, causant, voltigeant autour d’eux ; tantôt penchée sur le bras du fauteuil de l’un ou de l’autre, tantôt se jouant sur leurs genoux, elle leur sautoit au cou, les embrassoit, les baisoit, les caressoit, les chiffonnoit. Admise à tout, à la réception des courriers qui apportoient les nouvelles les plus intéressantes, entrant chez le roi à toute heure, même pendant le conseil. Utile et fatale aux ministres mêmes, mais toujours portée à obliger, à servir, à excuser, à bien faire, à moins qu’elle ne fût violemment poussée contre quelqu’un, comme elle le fut contre Pontchartrain et Chamillart. » Un des enfants que Marie eut de son mari fut le roi Louis XV.

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Saint-Simon, Mémoires. — Dangeau, Journal. — Duclos, Mémoires secrets. — Mme de Maintenon, Lettres.

MARIE-JOSÈPHE DE SAXE, dauphine, née le 4 novembre 1731, à Dresde, morte le 13 mars, à Versailles. Fîlle d’Auguste III, électeur de Saxe et roi de Pologne, et de Marie-Josèphe,

archiduchesse d’Autriche, elle fut mariée à seize ans à Louis, dauphin de France (9 février 1747), Elle était agréable de figure et avait de la grâce, un grand désir de plaire, une instruction soignée, une imagination douce et vive à la fois. Elle mit beaucoup de délicatesse dans son rapport avec Marie Leszcinska, dont son aïeul avait détrôné le père. Elle devait dans les cérémonies du mariage porter en bracelet le portrait de son père. La reine, qui ne doutait point que ce ne fût celui d’Auguste III, demanda le voir, et ne fut pas peu émue en reconnaissant les traits de Stanislas. « Voyez, ma mère, lui dit la dauphine, comme il est ressemblant ! » La plus douce intimité régna dès lors entre le deux princesses, et plus d’une fois elles formèrent des projets pour ramener Louis XV à une conduite plus digne de lui. Bien qu’elle ne joui d’aucun crédit à la cour, elle sut se faiie respecter par ses vertus. Le roi, qui la savait modeste autant que discrète, la chargeait de consoler sa femme et d’adoucir les caprices de ses altières filles ; il avait pris même avec elle certaines habitudes pieuses qui donnaient des espérances prochaines sur sa conversion. Elle était fort attachée à son mari ; après l’avoir perdu (1765), elle traîna une existence languissante, mourut d’une affection de poitrine. Elle fut enterrée à Sens, près de son mari. On sait qu’elle eut pour fils les trois derniers rois de la branche aînée des Bourbons.

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Soulavie, Mémoires de Richelieu. — Montbarey, Mémoires. — Mercure historique. — Proyart (L’abbé) sa Vie, à la suite de celle du dauphin.

MARIE-THÉRÈSE DE FRANCE. Voy. angoulême (Duch. d’).


IV. Marie poètes, artistes, etc.

MARIE DE FRANCE, femme poète française née à Compiègne, vivait dans le treizième siècle. La plupart de nos trouvères se sont cachés sous le voile de l’anonyme ou dans les replis de l’acrostiche. Quelques-uns se sont contentés d’inscrire un prénom dans le texte de leurs compositions. Leur modestie nous a dérobé ainsi connaissance des détails concernant leur personne et leurs oeuvres, et ce n’est qu’au prix de longues et pénibles recherches qu’on peut acquérir quelques notions sur le temps et le pays où ils florissaient, et sur les protecteurs dont ils recevaient des encouragements. Plus heureux que leurs émules de nos contrées septentrionales, les troubadours ont eu leurs biographes, et c’est par cet utile et précieux intermédiaire que nous sont parvenus une foule de faits importants pour notre histoire littéraire. La littérature provençale compte plusieurs femmes au nombre des poètes, et presque toutes appartiennent aux plus nobles familles, telles que la comtesse de Pro-