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PROCIDA — PROCLUS

être enveloppées de ténèbres et d’équivoques de manière que, le cas échéant, le négociateur pouvait être complètement désavoué. Rien d’étonnant que ces négociations aient laissé peu de traces et que Procida ait pris plus d’un détour et revêtu même plus d’un déguisement, voire le costume de moine mendiant, pour les mener à bonne fin sans trop éveiller de soupçons. L’affaire avait plutôt, et Pierre le voulait ainsi, les apparences d’un complot, d’une intrigue, que celle d’une hostilité effective et déclarée. Il est positif que Procida visita les chefs gibelins des diverses parties de l’Italie et s’assura de leur appui ; il se rendit également à Constantinople, et conclut avec l’empereur Michel Paléologue un traité par lequel ce prince s’engageait à fournir des subsides à Pierre d’Aragon[1]. Mais il est faux que l’empereur, qui était dépourvu d’argent, ait fourni à Procida des sommes considérables pour gagner des partisans au roi d’Aragon, de même qu’il est loin d’être prouvé que Procida ait gagné à la cause de son maître le pape Nicolas III. Il est enfin entièrement controuvé que Procida ait vendu ses seigneuries en Espagne, pour en consacrer le prix au succès de la conspiration. Étant passé en Sicile, il s’introduisit auprès d’un grand nombre de barons, qui aussi bien que le peuple souffraient de l’intolérable tyrannie de Charles d’Anjou, et leur fit accepter l’idée de donner la couronne au mari de Constance. Après le massacre des vêpres siciliennes, auquel il ne prit aucune part directe, et qui ne fut du reste que l’explosion non préparée de la profonde inimitié des Siciliens contre les oppresseurs étrangers, Procida continua de rester un des conseillers favoris de Pierre et des deux fils de ce prince, Jacques et Frédéric, après lui rois de Sicile. Il vécut après 1302, année où fut conclu le traité qui assurait aux Siciliens l’affranchissement de la domination française. Il continua jusqu’à ses dernières années à exercer la médecine ; il était très-vieux lorsqu’il donna ses soins à Gaultier Caraccioli, courtisan du roi de Naples Charles II, et qui avait obtenu de ce prince l’autorisation d’aller consulter l’ennemi juré de Charles d’Anjou. Il nous reste un portrait de Procida, tracé en mosaïque dans la cathédrale de Salerne ; il a été gravé dans les Œuvres de Niccolini à la tête de sa tragédie de Giovanni Procida. À en juger par cette image, sans doute fidèle, sa physionomie n’avait rien du caractère élevé et noble qui devrait révéler le libérateur de sa patrie. Son front est bas, son œil petit ; l’ensemble de ses traits exprime l’astuce, la finesse et la circonspection. E. G.

Historia conspirationis Johannis prochytæ (cette chronique en catalan, imprimée dans la Bibliotheca aragonnensis de Gregorio, est un vrai roman, quoique écrite très-peu de temps après les événements qu’elle rapporte ; il en est de même de l’Aventuroso Ciciliano de Busone da Gubbio, qui date du commencement du seizième siècle, et qui a paru à Florence en 1832). — Amari, La Guerra del Vespro siciliano. — Alex. de Saint-Priest, Histoire de la conquête de Naples. — Nic. Buscemi, Saggio della vita di Ciov. Procida ; Palerme, 1836, in-8o.

PROCLÈS. Voy. EURYSTHÈNE.

PROCLUS (Πρόκλος), surnommé le successeur, Διάδοχος, célèbre philosophe néoplatonicien, né à Constantinople, en 412, mort le 17 avril 485. Son surnom lui venait de ce qu’il avait succédé à Syrianus dans la direction de l’école d’Athènes. Sa famille était d’origine lycienne, et lui-même avait reçu sa première instruction à Xanthie, petite ville de Lycie, consacrée à Apollon et à Minerve. Il avait voué à ces divinités tutélaires un culte particulier : elles lui avaient, dit son biographe, apparu dans son enfance : Apollon pour le guérir d’une maladie, en lui touchant la tête ; Minerve pour l’encourager à aller poursuivre ses études à Athènes. Le souvenir de ces deux apparitions resta profondément gravé dans son esprit jeune et enthousiaste. Après avoir étudié à Alexandrie la langue latine sous Arion et l’éloquence sous Léonaras, il fit un court voyage à Byzance, et revint à Alexandrie, où il entendit le physicien Héron et Olympiodore, qui l’initia à la philosophie d’Aristote, considérée comme l’introduction à celle de Platon : l’un était le philosophe de l’Entendement qui s’attache à la série des causes et des effets sans jamais l’épuiser ; l’autre le philosophe de la Raison, qui cherche l’Unité dans la variété des choses. Proclus se rendit ensuite à Athènes, où il y eut pour maîtres Plutarque, déjà vieux, et Syrianus, auquel il succéda. Il fut instruit dans les mystères théurgiques par Asclépigénie, fille de Plutarque et prêtresse d’Éleusis. Les poëmes orphiques, les écrits d’Hermès et les oracles chaldéens étaient pour lui des révélations divines, et il les regardait comme la source de la vraie science philosophique. Il connaissait à fond toutes les cérémonies du paganisme, et célébrait toutes les fêtes religieuses des peuples divers, disant qu’il ne convenait pas à un philosophe d’exercer le culte d’un seul État, mais qu’il devait être l’hiérophante du monde entier (τοῦ ὅλου κόσμου ἱεροφάντης). Ainsi, il observait rigoureusement les fêtes des Égyptiens ; il jeûnait le dernier jour de chaque mois ; il se préparait par le jeûne à certaines manifestations démoniaques que son organisation naturelle paraissait provoquer, et il composait des hymnes pour les divinités protectrices de différentes localités. Lorsqu’on voulait lui faire sentir les inconvénients d’une vie trop austère, il répondait : « Que m’importe le corps ! c’est l’esprit que j’emmène avec moi quand je mourrai ». Ces pratiques religieuses le firent, dit Marinus, entrer en rapport avec certains dieux et lui procurèrent le don des miracles. Un jour, continue son biographe, pendant qu’il souffrait de la goutte, un oiseau vint lui arracher le topique, appliqué sur le membre endo-

  1. Selon M. Alexis de Saint-Priest l’empereur Michel n’aurait eu aucune connaissance des projets de Pierre sur la Sicile.