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PROCLUS — PROCOPE

plicité, sur les causes productives et leurs effets (περὶ παραγόντων καὶ παραγομένων), sur le bien suprême (τἀγαθόν), sur ce qui se suffit à soi-même (αὔταρκες), sur l’immobilité, l’incorporéité, la perfection, l’éternité, la divinité et l’intelligence. La partie la plus curieuse est celle qui termine l’ouvrage, et qui traite de l’âme. En voici les principales propositions. Tout âme incarnée se manifeste dans des conditions limitées, c’est-à-dire que ses manifestations ont pour mesure le temps, tandis que par sa racine elle plonge dans l’éternité[1]. Elle peut prendre toutes les formes que la pensée (νοῦς) est capable de concevoir ; elle se suffit à elle-même par sa propre vie (αὐτόζως) ; elle parcourt des périodes définies pour revenir à son point de départ. Ces périodes se divisent en ascensionnelles et en descendantes, relativement au point initial. Les âmes s’échelonnent et se groupent suivant la distance qui les séparent de la source d’où elles émanent. Dans l’échelle descendante, elles se revêtent d’une enveloppe qui devient de plus en plus matérielle, jusqu’au moment de leur incarnation, où cette enveloppe atteint le maximum de matérialité. Proclus a émis des idées remarquables sur la liberté et la volonté humaine. Ainsi il démontre fort bien que les fonctions qui entretiennent la vie sont indépendantes de notre volonté, tandis que les efforts qui constituent notre personnalité sont le résultat de notre libre arbitre ; en un mot, nous sommes à la fois menés et nous menons. Malheureusement l’auteur n’est pas conséquent avec sa théorie ; car, comme l’extase est pour lui l’idéal qu’il faut chercher à atteindre, et que dans cet état l’homme abdique sa raison ou sa personnalité, il faut bien qu’il renonce en même temps à l’usage de sa liberté.

Proclus n’était pas seulement métaphysicien : il avait des connaissances étendues en mathématiques et particulièrement en astronomie, comme l’atteste son Traité de la sphère (De sphæra liber ; Anvers, 1553, in-18 : dans cette édition on trouve aussi les traités de Cléomède et d’Arate, accompagnés de traductions latines. Le traité de Proclus a été réédité par Gutenaecker, Wurtzbourg, 1830). Toutes les divisions de la sphère céleste y sont exposées avec autant de clarté que dans nos meilleurs traités d’astronomie. F. H.

Brucker, Hist. philosoph.Tenneman, Geschichte der Phil., t. V. — Diction. des sciences philosoph.Smith, Dict. of gr. and rom. biography.

PROCOPE (Προκόπιος), un des plus illustres historiens byzantins, né à Césarée en Palestine, vivait dans la première moitié du sixième siècle après J.-C. Il vint jeune à Constantinople, et se distingua comme avocat et comme professeur d’éloquence. Sous le règne de Justinien il fut attaché à Bélisaire en qualité de secrétaire, et suivit ce général dans les campagnes d’Asie, d’Afrique et d’Italie. Bélisaire lui confia plusieurs missions importantes ; et dans la guerre contre les Goths, il l’éleva à une des premières places de l’armée, celle de commissaire en chef des vivres et de la marine. Procope revint à Constantinople avec son patron, et fut récompensé de ses services par le titre d’illustre. Il entra ensuite au sénat, et enfin, en 562, il fut préfet de Constantinople. C’est le dernier événement connu de sa vie, qui probablement se termina vers 565. Sa carrière semble avoir été aussi brillante et aussi heureuse que pouvait l’espérer un homme de sa naissance et de sa condition ; cependant son Histoire inédite, en supposant que cet ouvrage soit bien de lui, atteste de si furieuses rancunes contre Justinien, contre l’impératrice Théodora, contre Bélisaire, qu’il faut croire que l’auteur de ce violent pamphlet avait éprouvé bien des déceptions et des disgrâces. L’histoire ne nous apprend rien sur ces incidents de sa vie politique ; elle ne nous éclaire pas davantage sur ses opinions religieuses. Était-il païen ou chrétien ? On a beaucoup discuté sur ce point, que ses propres ouvrages laissent incertain ; car il semble tour à tour adhérer à l’une ou à l’autre croyance. Il est vraisemblable qu’il était indifférent entre les deux religions, mais que par convenance et nécessité, sous un prince orthodoxe, il affectait les formes et le langage du christianisme. Sa description de la peste de 543 a suggéré à quelques critiques l’étrange idée qu’il était médecin ; on conclurait aussi bien de son ouvrage Sur les édifices de Justinien qu’il était architecte. Il faut en conclure simplement qu’il avait une instruction variée et possédait des connaissances techniques dont il a fait dans son histoire un usage habile.

Procope, placé dans une période de transition entre la littérature grecque classique et la littérature grecque byzantine, peut être considéré comme le dernier en date (mais non en talent) des historiens anciens, comme le premier en date et en talent des historiens byzantins. Son style est une combinaison énergique et neuve des modèles attiques de cette diction affectée, mais souvent pittoresque, employée par les écrivains de Constantinople. Procope, sans être exempt de mauvais goût, exprime ses idées avec beaucoup de vigueur et de relief, et ses pensées sont souvent dignes d’une meilleure époque. Les renseignements qu’il nous a transmis ont une grande valeur. L’auteur était

  1. Πᾶσα ψυχὴ μεθεκτὴ τὴν μὲν οὐσίαν αἰώνιον ἔχει, τὴν δε ἐνέργειαν κατὰ χρόνον. Cette phrase, si remarquable, n’aurait guère de sens si, peu familier avec le langage et les idées des néoplatoniciens, on voulait la traduire littéralement par toute âme participable possède l’essence divine et l’activité dans le temps. — La racine de l’âme, c’est ce que la célèbre voyante de Prevorst (qui certainement n’avait jamais connu la philosophie de Proclus) appelait le cercle vital, figurant la vie interne, qui dure éternellement. De même que son cercle solaire, « que nous avons, dit-elle, aussi en nous, mais qui tombe ou disparaît au moment de la mort, » est l’équivalent de, ἐνέργειαν κατὰ χρόνον du commentateur de Platon (Voy. Kerner, Die Seherin von Prevorst ; Stuttgard, 1846, p. 199 (4e édit.).