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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/10

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montre chaque soir dans les salons de jeu, et qu’on y perde quelque argent.

Un jeune baron allemand, — nous l’appellerons Siegfried, — semblait seul ne tenir aucun compte de ce charme irrésistible, ni de cette règle du bon ton. Lorsque tout le monde se pressait au rendez-vous du jeu, et qu’on lui enlevait ainsi toute ressource, tout espoir d’un entretien agréable, ce qui lui plaisait par-dessus tout, il préférait encore suivre le jeu de ses propres fantaisies dans des promenades salutaires, ou s’occuper dans sa chambre, soit d’une lecture, soit de quelque travail littéraire, car il s’adonnait à la poésie.

Siegfried était jeune, indépendant, riche ; il avait une tournure noble et des manières élégantes, de sorte que la considération et les amis ne pouvaient lui manquer, et qu’il était prédestiné à réussir auprès des femmes. Mais, en outre, dans toutes ses actions et ses entreprises, une étoile de bonheur singulier semblait le favoriser. On citait mille aventures, mille intrigues d’amour scabreuses, et qui dans l’ordre naturel des choses auraient été funestes à tout autre, dénouées à son avantage avec une facilité et une réussite inouïes. Les vieillards qui connaissaient le baron avaient coutume de mentionner surtout une histoire de montre, qui remontait aux premières années de sa jeunesse.

Voici le fait : Siegfried étant encore mineur s’était trouvé un jour en voyage dans une pénurie d’argent si extrême qu’il fut obligé, pour continuer sa route, de se défaire de sa montre en or et richement garnie