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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/119

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accusait le destin d’amère ironie, de l’avoir fait vivre tant d’années consacrées à affermir sa foi dans la vertu et dans la morale, pour venir déchirer si tard et d’un seul coup l’image consolante qu’elle s’en était formée. — Elle entendit Madelon dire en soupirant et en pleurant à La Martinière, qui la faisait retirer : « Hélas !… elle aussi — elle aussi s’est laissé abuser par ces hommes cruels. Malheureuse que je suis !… Olivier, pauvre infortuné ! » — Ces mots déchirèrent le cœur de mademoiselle de Scudéry, et du fond de sa pensée elle sentit s’élever de nouveau le soupçon de quelque mystère, et un reste de foi dans l’innocence d’Olivier.

Oppressée par tant d’émotions contradictoires, elle finit par s’écrier hors d’elle-même : « Quel esprit infernal m’a donc mêlée à cette histoire épouvantable et qui me coûtera la vie ! » — En ce moment, Baptiste, pâle et effrayé, entra pour annoncer que Desgrais était en bas. Depuis l’abominable procès de La Voisin, l’apparition de Desgrais dans une maison était le présage certain de quelque accusation criminelle ; c’est ce qui motivait l’effroi de Baptiste. Sa maîtresse lui demanda, avec un doux sourire : « Qu’est-ce donc, Baptiste ? — Eh bien ! le nom de Scudéry se trouve sur la note de La Voisin, n’est-ce pas ? — Ah ! mademoiselle, au nom du ciel, répliqua Baptiste, tremblant de tous ses membres, comment pouvez-vous seulement prononcer des mots pareils ? Mais Desgrais, l’épouvantable Desgrais, a un air si mystérieux, si pressant ! il semble incapable de souffrir le moindre délai pour vous entretenir ! — Eh bien, Baptiste, dit