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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/123

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préciser. Toute sa frayeur s’évanouit, elle oublia que l’homme agenouillé devant elle était l’assassin de Cardillac, et de ce ton calme, bienveillant et plein de grâce, qui lui était propre : « Eh bien, Brusson, lui dit-elle, qu’avez-vous à me dire ? » Celui-ci, toujours à genoux, poussa un triste et profond soupir ; puis il répondit avec sentiment : « Oh ! digne et respectable demoiselle, ne vous reste-t-il donc plus aucune trace de mon souvenir ? » Mademoiselle de Scudéry le contemplant avec une nouvelle attention, répliqua qu’elle avait en effet trouvé dans ses traits certaine ressemblance avec une personne qu’elle avait aimée, et qu’il devait rendre grâce à cette ressemblance, qui seule la disposait à surmonter la profonde horreur que lui inspirait son crime, et à l’écouter tranquillement.

Gravement blessé par ces paroles, Brusson se leva précipitamment, et, reculant d’un pas, le regard sombre et baissé, il dit d’une voix sourde : « Avez-vous donc tout à fait oublié Anne Guiot ? — Son fils, Olivier, — cet enfant que vous avez si souvent balancé sur vos genoux : cet enfant est devant vos yeux. — Oh ! au nom de tous les saints ! » s’écria mademoiselle de Scudéry, et, se voilant le visage de ses deux mains, elle se laissa tomber sur les coussins de son fauteuil.

La demoiselle avait bien sujet d’éprouver une aussi grande émotion. Anne Guiot, la fille d’un pauvre bourgeois, avait été élevée depuis son enfance chez mademoiselle de Scudéry, qui lui avait prodigué les soins et la tendresse d’une mère. Lorsqu’