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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/136

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torrent de larmes, qu’elle ne pouvait vivre sans toi. Je crus qu’elle se mettait cela dans la tête, comme font toutes les jeunes filles amoureuses, qui parlent tout de suite de mourir pour le premier blanc-bec venu qui leur a fait les yeux doux. Mais ma Madelon devint effectivement malade et languissante, et à mes remontrances pour la dissuader de cette folie, elle ne répondit que par ton nom mille fois répété. Que pouvais-je faire enfin pour ne pas l’abandonner à son désespoir ? Hier, au soir, je lui dis que je consentais à tout, et que j’irais te chercher aujourd’hui. Et voilà que dans une nuit elle s’est épanoui comme une rose florissante, et elle t’attend transportée de joie et impatiente d’amour.”

Que la Providence céleste me le pardonne ! Mais je ne sais moi-même comment cela se fit, je me trouvai tout à coup dans la maison de Cardillac, je vis Madelon s’écriant dans l’ivresse du bonheur : “Olivier ! — mon Olivier, — mon bien-aimé ! — mon époux !” s’élancer vers moi pour m’entourer de ses bras caressants et me presser sur son cœur ; et moi, au comble de la félicité, je jurai, au nom de la Sainte-Vierge et de tous les saints, de ne plus la quitter jamais, au grand jamais ! »


Olivier fut obligé de s’arrêter, trop ému au souvenir de ce moment décisif. Mademoiselle de Scudéry, saisie d’horreur pour les crimes d’un homme en qui elle avait cru voir la loyauté, la vertu personifiées, s’écria : « C’est affreux ! — Quoi, Réné Cardillac faisait partie de la bande d’assassins qui a si longtemps