Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/171

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Roi faisait faire lui-même une enquête sur le véritable état des choses, et cependant il était inconcevable que l’arrêt fût si longtemps différé. Sans doute que La Reynie faisait tous ses efforts pour retenir la victime qui allait être arrachée de ses mains. Cette appréhension venait tuer dans leur germe les plus douces espérances.

Il s’était écoulé près d’un mois, lorsque madame de Maintenon fit dire à mademoiselle de Scudéry que le Roi désirait la voir le même soir, dans les appartements de la marquise.

À cette nouvelle, le cœur de mademoiselle de Scudéry battit avec violence, car elle comprit que le sort de Brusson allait être décidé. Elle en fit part à la pauvre Madelon, qui pria avec ferveur la Vierge et tous les saints de vouloir bien inspirer au Roi la persuasion de l’innocence de Brusson.

Cependant on eût pu croire que le Roi avait tout à fait oublié l’affaire, car il adressait comme à l’ordinaire d’aimables propos à madame de Maintenon et à mademoiselle de Scudéry, et ne paraissait pas, le moins du monde, préoccupé du pauvre Brusson. Enfin parut Bontems, qui s’approcha du Roi, et lui dit quelques mots à voix si basse, que les deux dames ne purent rien entendre. Mademoiselle de Scudéry frémit intérieurement. Mais le Roi se leva, et, s’avançant vers elle, lui dit avec un regard rayonnant : « Je vous félicite, mademoiselle ! — votre protégé, Olivier Brusson, est libre ! » — Mademoiselle de Scudéry, que les larmes qu’elle ne put contenir rendaient incapable de proférer un mot,