Aller au contenu

Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

partagé que vous. Il était presque dans la gène, et ce n’était que par un genre de vie des plus strictement réglés qu’il trouvait le moyen de paraître dans le monde avec la dignité convenable à son rang et à l’honneur de la famille illustre dont il descendait. Outre que le jeu lui était interdit, par cela seul que la moindre perte lui aurait été sensible et aurait causé du dérangement dans sa manière de vivre, il n’avait d’ailleurs aucun penchant pour cette passion, et en s’abstenant de jouer il ne s’imposait, par conséquent, pas de sacrifice. Du reste, le succès le plus extraordinaire répondait à toutes ses entreprises, et le bonheur du chevalier de Ménars finit par passer en proverbe.

Une nuit, contre son habitude, il s’était laissé persuader de visiter une maison de jeu. Les amis qu’il accompagnait ne tardèrent pas à engager pour eux la partie. Sans suivre leur exemple, le chevalier, absorbé par des pensées toutes différentes, se promenait dans la salle de long en large, et s’arrêtait parfois devant la table du jeu où des piles d’or s’amoncelaient, de minute en minute, sous les mains du banquier.

Un vieux colonel vint à remarquer tout à coup le chevalier, et il s’écria à haute voix : « Par tous les diables ! voici le chevalier de Ménars ici avec son bonheur, et si nous ne parvenons à rien gagner c’est qu’il ne s’est encore déclaré ni pour la banque, ni pour les ponteurs ; mais cela ne doit pas durer plus longtemps, parbleu ! et je veux que M. le chevalier ponte pour moi immédiatement. »