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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/236

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droit vers la porte murée en faisant résonner le plancher sous ses pas. Près de l’endroit où le grattement se faisait entendre de plus en plus fort, il s’arrêta, et d’une voix ferme et solennelle, il dit : « Daniel ! Daniel ! que fais-tu ici à cette heure ? » Un cri lamentable retentit soudain, et l’on entendit un bruit sourd comme si un pesant fardeau fût tombé à terre. « Cherche grâce et miséricorde devant le trône du très-haut, voilà ta mission ; mais sors de ces lieux, et renonce à une vie qui t’est fermée pour jamais ! »

Mon grand-oncle prononça ces mots d’une voix encore plus grave et plus élevée. Il sembla au même moment qu’un gémissement insensible traversait les airs pour se perdre dans le fracas de la tempête qui mugissait au-dehors ; alors mon grand-oncle revint vers la porte et la ferma si violemment que l’antichambre vide en résonna long-temps. — J’observai dans tous ses mouvements, dans son langage, quelque chose de surnaturel qui me faisait frissonner malgré moi. Il vint se rasseoir dans le fauteuil, le regard glorifié, et, les mains jointes, se mit à prier mentalement.

Au bout de quelques minutes, il me dit de cette voix douce et allant au cœur dont il possédait si bien le secret : « Eh bien ! cousin ? » — Pénétré tout à la fois d’horreur, de crainte et d’un saint respect mêlé d’amour, je tombai à ses pieds et baignai de larmes brûlantes la main qu’il me tendit. Le vieillard m’ouvrit ses bras, et pendant qu’il me pressait tendrement contre son cœur, il me dit avec effusion : « À présent nous allons dormir bien paisiblement, cher