Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/249

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m’annonça à demi-voix, avec un sourire de triomphe, que le piano de madame l’intendante venait justement d’arriver sur un traineau, et avait été déposé chez madame la baronne. Il ajouta que mademoiselle Adelheid me faisait prier de me rendre promptement dans leur appartement. — On peut s’imaginer quel saisissement de joie j’éprouvai quand j’entrai, le cœur palpitant, dans la chambre où elle était, elle !…

Mademoiselle Adelheid accourut joyeuse au-devant de moi. La baronne, déjà entièrement habillée pour le bal, était assise toute pensive devant la caisse mystérieuse où dormaient les accords que j’étais appelé à réveiller ; elle se leva dans tout l’éclat de sa parure et de sa beauté majestueuse, et je ne pus que la regarder fixement, incapable de proférer un seul mot. « Eh bien, Théodore, me dit-elle, en m’appelant par mon seul prénom, suivant un usage plein de charme des pays du Nord, qui se retrouve dans les régions extrêmes du midi de l’Europe, l’instrument est arrivé, fasse le ciel qu’il ne soit pas tout à fait indigne de votre talent ! »

À peine eus-je ouvert le couvercle que plusieurs cordes rompues rejaillirent vers moi, et, dès que j’eus touché le clavier, une affreuse cacophonie nous déchira les oreilles, car aucune des cordes qui restaient intactes ne se trouvait au diapazon. « Il est présumable que l’organiste a encore une fois passé par-là avec ses petites mains mignonnes ! » s’écria en riant mademoiselle Adelheid. Mais la baronne disait de très mauvaise humeur : « C’est pourtant une