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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/251

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de l’instrument succédent peu-à-peu d’harmonieux accords.

« Ah ! nous y voici ! il est juste ! » s’écrie la baronne en m’adressant un sourire délicieux. — Comme cette peine prise en commun fit promplement disparaître entre nous toute contrainte et tout le fade cérémonial des convenances tyranniques ! Comme une douce familiarité nous rapprocha aussitôt et anéantit en moi, de son souffle électrique, cette oppression décourageante qui me serrait le cœur et glaçait mes sens. Je me sentais tout à fait exempt de ce pathos prétentieux qui accompagne d’ordinaire une passion du genre de la mienne. — Le piano se trouva donc à la fin passablement accordé, et, suivant mon intention de jouer quelques fantaisies en rapport avec mes sentiments intimes, je préludai par ces canzonette qui nous viennent du Midi, si pleines de charme et de tendresse, comme : Sentimi idol mio…, ou Almen se non poss’io…, et, pendant que je chantais, que je répétais Morir mi sento, et mille addio, et mille oh dio, je voyais s’animer et rayonner de plus en plus les regards de Séraphine.

Elle se tenait devant l’instrument à côté de moi, je sentais son haleine effleurer ma joue. Comme elle appuyait son bras sur le dossier de ma chaise un ruban blanc à demi-détaché de son élégante robe de bal tomba sur mon épaule, et au souffle de mes accents et des doux soupirs de Séraphine, il voltigeait entre nous tel qu’un messager d’amour fidèle… Je m’étonne encore d’avoir pu conserver ma raison !

Je cherchais à me rappeler un autre air, et je parcourais