Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/282

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sa dépouille mortelle repose dans le caveau qui renferme les cendres de nos ancêtres. »

Je gardais le silence. — « Daniel ! Daniel ! que fais-tu ici à cette heure ? » Ainsi murmurait à demi-voix le baron, en se promenant les bras croisés dans la chambre. — « N’avez-vous plus rien à me dire, monsieur le baron ? » dis-je à haute voix en faisant mine de vouloir me retirer. Le baron tressaillit comme s’il se réveillait d’un songe ; il vint me prendre amicalement par la main et me dit : « Oui ! mon cher ami, il faut que vous guérissiez ma femme, que vous avez, sans le vouloir, si gravement compromise ; vous seul le pouvez. »

Je sentis la rougeur me monter au visage ; et si j’avais pu me voir dans une glace, j’aurais certainement eu devant moi la figure d’un garçon bien sot et bien hébété. Le baron paraissait prendre plaisir à mon embarras, et fixait sur moi en souriant ironiquement un regard sardonique. « Mais au nom du ciel, dis-je enfin en balbutiant, comment puis-je y parvenir ? — Eh ! mon Dieu ! reprit le baron, vous n’avez pas affaire à une malade bien dangereuse. Écoutez : je réclame positivement le service de votre art lui-même. La baronne maintenant est tout à fait sous le prestige de votre magique talent, et songer à l’y soustraire violemment, serait une folie et une cruauté. Continuez vos séances de musique : vous serez toujours bien reçu à quelque heure de la soirée que vous vous présentiez chez ma femme ; mais habituez-la peu à peu à une musique plus énergique. Mélangez avec habileté la gaité au sérieux ;...