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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/286

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bien des choses : je ne comprenais et n’entendais pas un seul mot. Enfin, elle me prit les deux mains dans les siennes et me parla en même temps distinctement à l’oreille. Je restai soudainement immobile, muet, et comme frappé d’une crise cataleptique. Je me souviens seulement que je finis par accepter, des mains d’Adelheid, un verre de liqueur que je bus, et je me trouvai ensuite seul accoudé à une fenêtre. Enfin je m’élançai hors de la salle, je descendis rapidement l’escalier, et je courus vers la forêt.

La neige tombait par épais flocons, les pins gémissaient au souffle de l’orage. Je courais comme un insensé en décrivant de larges cercles, riant et criant d’une voix sauvage : « Voyez, voyez ! hourra ! comme le diable danse avec le sot garçon qui prétendait manger du fruit solennellement défendu ! » — Qui sait quelle eût été la suite de cet accès de délire, si je n’avais pas entendu crier mon nom à haute voix dans le bois. Le temps s’était un peu radouci, la lune projetait une lumière blanche à travers les nuages épars ; j’entendis aboyer les dogues, et j’entrevis une figure sombre qui s’approchait de moi. C’était le vieux garde-chasse.

« Eh là ! mon cher monsieur Théodore, me dit-il, comment vous êtes-vous ainsi perdu dans cette poussière de neige ? Monsieur le justicier vous attend avec une vive impatience. » Je suivis mon guide sans dire mot. Je trouvai mon grand-oncle occupé à travailler dans la salle d’audience. « Tu as très bien fait, cousin, me dit-il, tu as fort bien fait de