Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/310

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à un domestique la riche pelisse dont il s’était promptement débarrassé, il prit V. par la main et parcourut les appartements en s’entretenant avec lui. « Ainsi, lui dit-il avec un sourire ironique, le seigneur du majorat veut bien tolérer ici ma présence. » V. exprima la pensée que cette funeste mésintelligence, nourrie par une longue séparation, touchait assurément à son terme. Hubert prit alors dans sa main la barre de fer qui était pendue près de la cheminée, puis il se mit à casser et à attiser un morceau de bois noueux et fumant dans l’âtre, et, tout en disposant le feu d’une meilleure manière, il dit à V. : « Vous devez vous apercevoir, monsieur le justicier, que je suis doué au fond d’un bon caractère et au fait des petits soins du ménage. Mais Wolfgang est imbu des préventions les plus fantasques, et puis d’une avarice !… » V. ne jugea pas à propos de s’immiscer plus avant dans les relations privées des deux frères, d’autant plus que tout en Wolfgang, sa physionomie, ses manières, le son de voix, témoignaient évidemment d’une âme en proie à la passion la plus exaltée.

Voulant consulter le baron sur une affaire relative à l’administration du majorat, V. monta à son appartement tard dans la soirée. Il le trouva dans une grande agitation et parcourant la chambre à grands pas, les bras croisés derrière le dos. Il s’arrêta à la vue du justicier, s’empara de sa main, et, le regardant sombrement en face, lui dit d’une voix entrecoupée : « Mon frère vient d’arriver… Je sais ce que vous voulez dire, ajouta-t-il vivement, voyantque