Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/34

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vous pas que ma fille emporte sa garde-robe ?

» Le trousseau de votre fille ne me regarde pas, répliqua le chevalier. Vous pouvez encore faire enlever les lits et les ustensiles de ménage indispensables. Que voulez-vous que je fasse d’un pareil attirail ? mais prenez bien garde qu’il ne s’y mêle aucun des objets de quelque prix qui me sont échus. »

Le vieux Vertua tint quelques secondes ses regards fixés sur le chevalier sans dire mot. Puis un torrent de larmes s’échappa de ses yeux ; abîmé de douleur et de désespoir, il tomba à genoux devant le chevalier en gémissant, et s’écria, les mains jointes et tendues vers lui : « Chevalier ! s’il vous reste quelque sentiment d’humanité dans le coeur, — soyez miséricordieux ! — par pitié !… Ce n’est pas moi, c’est ma fille, mon Angela ! un enfant, un ange d’innocence que vous précipitez dans la misère ! — Oh prenez pitié d’elle ! prêtez-lui, à elle, à mon Angela, la vingtième partie de sa fortune dont vous l’avez dépouillée ! — Oui, j’en suis sûr, vous vous laisserez attendrir par mes prières : ô Angela , ma fille !… »

Le vieillard sanglotait, pleurait, se frappait le front et invoquait d’une voix déchirante le nom de sa fille.

« Cette sotte comédie commence à m’ennuyer, » dit le chevalier avec humeur et insouciance ; mais au même instant la porte s’ouvrit, et une jeune fille se précipita dans la chambre, vètue d’un peignoir de nuit blanc, les cheveux épars, la mort peinte sur le visage : elle s’élança vers le vieillard,