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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/352

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foyer très ardent, mais sans concevoir pourtant comment il pouvait être ainsi suspendu dans l’air. « Postillon ! criai-je, quel est ce feu-là devant nous ? — Eh ! me répondit-il, ce n’est pas un feu, c’est le phare de R....sitten. »

À peine eus-je entendu prononcer ce nom, qu’une illusion soudaine me représenta l’image vivante et fraîche de ces jours d’automne que j’avais passés au château. Je revis le baron, je revis Séraphine !… et aussi les deux vieilles tantes si bizarres ; je me vis moi-même avec mon visage d’adolescent, joliment frisé et poudré, et vêtu d’un habit bleu tendre, oui, moi, l’amoureux qui contait aux vents d’une voix plaintive les tourments de son cœur épris. Sous l’impression pénible d’une mélancolie profonde, je crus voir surgir devant moi, pareilles à de vives étincelles, les railleries sardoniques de mon grand-oncle, et elles me paraissaient bien plus fines alors qu’autrefois.

Ému ainsi à la fois de tristesse et d’une joie vague, je descendis de grand matin de voiture au relai de la poste. Je reconnus la maison de l’intendant-économe et je demandai à le voir. « Avec votre permission, monsieur, me dit le commis de la poste en ôtant la pipe de sa bouche et portant la main à son bonnet, il n’y a plus ici ni intendant ni économe : c’est un domaine royal, et monsieur le receveur du bailliage n’a pas encore jugé à propos de sortir de son lit. »

En continuant de questionner, j’appris qu’il avait seize ans que le baron Roderich de R***, dernier