Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/363

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quelque affreuse catastrophe. — Tout improbables et ridicules que me parussent ces récits, je ne pouvais néanmoins me défendre d’une terreur secrète, et, malgré mon sincère attachement pour le major, qui me témoignait lui-même une affection toute spéciale, il se mêlait pourtant à mes sentiments pour cet homme extraordinaire je ne sais quoi d’indéfnissable et d’incessamment menaçant.

» Il me semblait en effet que j’étais obligé par une puissance supérieure à lui rester fidèlement dévoué, comme si l’instant où cesserait ma sujétion dût être aussi celui de ma perte. Bien que sa présence me causât toujours une sorte de satisfaction, j’éprouvais cependant, en même temps, une certaine inquiétude, une certaine contrainte insurmontable qui comprimait toutes mes facultés, et je frémissais malgré moi de cette étrange position. Si j’étais resté longtemps près de lui, s’il m’avait témoigné un redoublement d’amitié, et surtout quand, suivant son habitude, son regard fixement cloué sur moi, et serrant étroitement ma main dans la sienne, il m’avait entretenu de mainte histoire merveilleuse, cette influence énergique et singulière pouvait me réduire à l’épuisement le plus extrême. Je me sentais affaibli et abattu au point de défaillir.

» J’omets toutes les scènes bizarres qui eurent lieu entre mon maître amical et moi ; car il prenait même part à mes jeux d’enfant, et m’aidait avec zèle à construire les forteresses en miniature que je me plaisais à établir dans le jardin, d’après les règles les plus strictes du génie militaire. — Je viens au point