Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/370

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monde. Il me semble alors que je n’aie eu devant moi, durant la soirée, que le canevas, le croquis de la pièce, à laquelle le rêve, docile pour ainsi dire à la volonté du poète, vient communiquer la chaleur et la vie. Je vaux à moi seul la troupe entière de Sacchi, qui joue la farce de Gozzi peinte et nuancée d’après nature, en y mettant tant d’illusion, que le public représenté pareillement dans ma personne y croit ni plus ni moins qu’à la réalité.4

» Comme je vous l’ai dit, je ne comprends pas dans ces rêves, pour ainsi dire volontairement amenés, ceux qui sont le résultat d’une disposition d’esprit exceptionnelle provenant des circonstances étrangères, ou la conséquence d’une impression physique externe. Ainsi tous ces rêves, dont presque chaque individu a quelquefois éprouvé le tourment, comme de tomber du faite d’une tour, d’être décapité, etc., etc., sont ordinairement produits par quelque souffrance physique que l’esprit, plus indifférent pendant le sommeil à la vie animale et restreint à des fonctions rétroactives, explique à sa façon ou motive sur quelque incident fantastique des apparitions qui l’occupent. Je me rappelle un songe où j’assistais à une soirée de punch en joyeuse compagnie. Un fier-à-bras d’officier, que je connais parfaitement, poursuivait de ses sarcasmes un étudiant, qui finit par lui lancer son verre à la tête ; il s’ensuivit une bagarre générale ; et, tout en voulant rétablir la paix, je me sentis blessé à la main si grièvement, que la douleur cuisante du coup me réveilla : que vois-je ? — ma main saignait véritablement, car je m’étais