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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/400

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d’inquiétude, de crainte, d’épouvante m’agitait à la pensée de cette existence sans conscience, et pourtant supérieure à la vie réelle. Cependant, je ne le sentais que trop clairement, j’aurais fait de vains efforts pour me soustraire à ce qu’Alban avait résolu.

Les moyens en question furent employés, et, en dépit de ma répugnance, de mes craintes, je n’en ai éprouvé que des effets salutaires. Mes couleurs, mon enjouement sont revenus, et au lieu de cette tension névralgique effrayante, pendant laquelle la chose la plus indifférente devenait souvent pour moi un supplice, je me trouve dans un état passablement tranquille. Ces folles visions de mes rêves ont disparu, et le sommeil me restaure ; ou les images bizarres qui m’apparaissent en dormant me récréent au lieu de me tourmenter. Pense un peu, chère Adelgonde : je rêve souvent maintenant, par exemple, que je puis, les yeux fermés, comme si un sens nouveau m’était donné, reconnaître les couleurs, distinguer les métaux, lire, etc., dès qu’Alban me le demande ; souvent même il m’ordonne d’examiner mon intérieur et de lui dire tout ce que j’y vois, ce que je fais aussitôt avec la plus grande précision.

Parfois je suis contrainte d’arrêter exclusivement ma pensée sur Alban lui-même. Je le vois devant moi et je tombe insensiblement dans un état de rêverie, où, perdant enfin la conscience de mon individualité, j’entre dans une sphère d’idées étrangères qui ont l’éclat et la pureté de l’or, et qui me pénètrent d’une animation singulière. Je reconnais que c’est Alban qui formule en moi ces divines pensées ;