Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/417

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on aurait pu croire qu’il sommeillait paisiblement. « Voyez de quel doux repos jouit notre vieil ami Franz, s’écria avec une émotion profonde un vieux paysan, que Dieu m’accorde une fin aussi pieuse ! Oui, bienheureux ceux qui s’endorment ainsi dans le Seigneur. » — Ce dernier adieu me sembla valoir toute la cérémonie consacrée au défunt ; et je vis dans les simples paroles du paysan la plus sublime oraison funèbre. On descendit le cercueil, et lorsque les mottes de terre commencèrent à le recouvrir en rendant un son sourd, la plus amère tristesse s’empara de moi, comme si l’ami de mon cœur fût couché sous cette terre froide et insensible.

Je me disposais à gravir la colline sur laquelle le château était situé, lorsque le pasteur vint se joindre à moi, et je m’enquis auprès de lui du mort qu’on venait d’ensevelir. C’était le vieux peintre Franz Bickert, qui, depuis trois ans, habitait le manoir désert dont il était devenu le châtelain. L’ecclésiastique s’était chargé des clefs du château jusqu’à l’arrivée du fondé de pouvoirs du possesseur actuel, et j’entrai, non sans une angoisse pénible, dans les vastes salles où avaient autrefois vécu des hôtes joyeux, et maintenant vides et silencieuses comme la mort.

Bickert, durant les trois dernières années qu’il passa dans le château comme un ermite, s’était occupé de son art avec une singulière activité. Sans la moindre assistance, pas même pour les préparatifs mécaniques nécessités par ses travaux, il entreprit