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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/433

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féminin, une raison éclairée, un cœur bienveillant. On aurait vainement cherché la trace de la moindre exaltation mentale, et cependant ce sourire douloureux, ce regard humide de larmes, faisaient supposer au moins une perturbation physique qui devait nécessairement, dans cette frêle organisation, avoir une influence nuisible sur le moral.

Ce qui me frappait singulièrement, c’était que tout le monde dans la famille, sans excepter la vieille française, paraissait inquiet dès qu’on nouait conversation avec la jeune fille, et que chacun cherchait à rompre l’entretien en s’y mêlant quelquefois d’une manière tout à fait ridicule. Mais ce qu’il y avait encore de plus extraordinaire, c’est que chaque soir, dès que huit heures avaient sonné, la dame française d’abord, puis la sœur, le père, la mère engageaient tour à tour la demoiselle à se retirer dans sa chambre, de même qu’on envoie les enfants se coucher de bonne heure pour qu’ils ne se fatiguent pas trop et puissent dormir tout leur comptant. La française accompagnait Adelgonde, et ni l’une ni l’autre n’assistaient au souper, qui était servi à neuf heures.

La femme du colonel ayant remarqué mon étonnement journalier, jeta une fois comme indifféremment dans la conversation, pour prévenir des questions futures, qu’Adelgonde était fort maladive, qu’elle était sujette, surtout le soir à neuf heures, à des accès de fièvre périodiques, et que le médecin avait prescrit de la laisser jouir à cette heure-là du calme le plus absolu. — Je