Aller au contenu

Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/438

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Alors huit heures sonnent à la pendule (il en était donc neuf), et aussitôt Adelgonde tombe à la renverse dans son fauteuil, pâle comme un cadavre. Son ouvrage échappe de ses mains ; puis elle se lève, son visage contracté par l’angoisse de la terreur, elle fixe son regard dans l’espace vide de la chambre, et murmure d’une voix sourde et étouffée : « Quoi ! une heure plus tôt ! — Ha ! le voyez-vous ? — le voyez-vous ? — Le voici, là, devant moi, — tout près de moi !… »

Chacun s’est levé saisi de crainte, mais personne n’aperçoit la moindre chose, et le colonel s’écrie : « Adelgonde ! remets-toi, ce n’est rien ; c’est une chimère de ton cerveau, un jeu de ton imagination qui t’abuse. Nous ne voyons rien, rien du tout : et s’il y avait réellement une figure près de toi, ne devrions-nous pas l’apercevoir comme toi ? — Rassure-toi ! rassure-toi, Adelgonde !

— Ô mon Dieu, mon Dieu ! soupire Adelgonde, veut-on donc me rendre folle ? — Mais regardez donc : voilà qu’il étend vers moi son bras blanc de toute sa longueur… Il me fait signe ! » Et comme involontairement, le regard toujours fixé devant elle, Adelgonde promène la main derrière son dos sur la table, saisit une petite assiette posée là par hasard, la tend en avant dans l’air libre et la lâche. — L’assiette, comme portée par une main invisible, circule lentement autour du cercle des assistants, et vient se replacer doucement sur la table.

La femme du colonel et Augusta étaient tombées profondément évanouies, et une fièvre nerveuse