Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/48

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avec colère. — Le colonel tailla sans répondre au chevalier.

« Dix mille ducats, ou Angela, » dit le colonel à moitié tourné pendant qu’il donnait à couper.

« Vous êtes fou ! » s’écria le chevalier, qui cependant ayant recouvré son sang-froid, commençait à s’apercevoir que le colonel perdait continuellement.

« Vingt mille ducats contre Angela, » dit tout bas le colonel au chevalier en cessant pour un instant de battre les cartes.

Le chevalier garda le silence, le colonel reprit son jeu, et presque toutes les cartes lui furent contraires. — « Ça va ! » dit le chevalier à l’oreille du colonel comme il commençait la nouvelle taille, et il poussa la dame sur la table du jeu.

Au premier coup, la dame avait perdu.

Le chevalier se retira en arrière en grinçant les dents et alla s’appuyer contre la fenêtre, le désespoir et la mort peints sur ses traits décomposés.

Le jeu avait cessé. Le colonel s’approcha du chevalier et dit d’un air railleur : « Eh bien, qu’avez-vous donc ?

— Ah ! s’écria le chevalier hors de lui, vous m’avez réduit à la mendicité : mais il faut que vous soyez fou pour supposer que vous avez pu gagner ma femme. — Sommes-nous aux colonies ? ma femme est-elle une esclave livrée au vain arbitre d’un maître qui dans un égarement infâme ait le pouvoir de la vendre et de la jouer ? — Mais, en effet, vous auriez dû payer vingt mille ducats si la dame avait