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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 4, trad. Egmont, 1836.djvu/21

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Ce qu’il y a de positif, c’est que cette maison appartient à la comtesse de S***, qui vit dans ses terres, et n’est pas venue à B depuis un grand nombre d’années. Déjà, à l’époque où aucun des édifices somptueux qui ornent aujourd’hui cette rue n’existait encore, cette maison, à ce qu’on m’a raconté, avait le même aspect qu’aujourd’hui, et depuis ce temps, on n’y a fait que les réparations strictement nécessaires pour la préserver d’une ruine totale.

» Deux seuls êtres animés l’habitent, un intendant morose aussi vieux qu’elle, et un chien décrépit et hargneux, qui ne cesse d’aboyer après la lune dans la cour de derrière. D’après le bruit général, ce bâtiment n’est qu’un rèpaire de revenants, et en effet, mon frère, à qui appartient cette boutique, et moi nous avons souvent entendu au milieu du silence de la nuit, surtout à l’époque des fêtes de Noël, où nos travaux multiplient nos veilles, d’étranges lamentations qui partaient évidemment de derrière le mur mitoyen. Quelquefois aussi, de sourds grattements et des éclats d’un tapage diabolique nous ont glacés d’effroi. 11 n’y a pas longtemps que, durant la nuit, nous entendîmes retentir un chant si singulier qu’aucune parole ne saurait vous en donner une juste idée. C’était pourtant bien positivement le son de la voix d’une vieille femme ; mais jamais, moi qui ai vu bien des cantatrices en Italie, en France et en Allemagne, jamais en vérité je n’ai entendu des sons aussi perçants, aussi aigus, ni d’aussi déchirants accords mêlés de cadences plus hardies. Je crus reconnaître qu’on chantait des pa-