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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 4, trad. Egmont, 1836.djvu/247

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« Vingt jours et vingt nuits ne me suffiraient pas, mon cher ami, pour te raconter tous les événements extraordinaires, les aventures diverses et les épreuves successives qui ont rempli mon existence depuis l’époque où je quittai l’hôpital de la Résurrection à Valladolid. Mais tu n’as besoin que de connaître de quelle manière je suis sorti du service de Mahudes, et mes plus récentes aventures ; encore, ce récit sera si long, que je dois te prier de ne pas souvent m’interrompre. Je ne te permets que peu de mots : seulement une réflexion de temps en temps, pourvu qu’elle soit sensée ; sinon, garde-la pour toi, et ne me dérange pas inutilement, car j’ai une bonne poitrine, et je puis, en parlant, fournir une longue traite sans reprendre haleine. »

Je le lui promis, en lui tendant ma main droite, dans laquelle il mit sa vigoureuse patte droite de devant, que je serrai et secouai le plus cordialement du monde, à la bonne manière allemande. L’un des plus beaux pactes d’amitié que jamais la lune ait éclairés, conclu de la sorte, Berganza poursuivit ainsi :

BERGANZA.

Tu sais que lorsque le don de la parole me fut accordé pour la première fois, à moi et à mon défunt ami Scipion (fasse le ciel qu’il repose en paix !), l’enseigne Campuzano, qui gisait sur un matelas de l’hôpital, en proie aux souffrances les plus aiguës, et incapable de proférer un mot, épiait notre entretien, et comme l’excellent Don Miguel de Cervantes