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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 4, trad. Egmont, 1836.djvu/265

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appétits tout particuliers et absolument contraires à mes habitudes. Ainsi, au lieu d’eau naturelle, je voudrais boire du bon vin, j’ai envie de manger de la salade aux anchois. En outre, je ne puis m’abstenir de frétiller amicalement de la queue à certaines personnes qui me déplaisent souverainement, et qui n’excitent d’ordinaire que mes grognements. Ce n’est pas tout encore : si je rencontre alors des chiens plus forts et plus vigoureux que moi, mais que je n’hésite pourtant pas à combattre quand ils me provoquent, je les évite avec le plus grand soin, tandis qu’à la vue de petits bichons ou de roquets avec lesquels je joue volontiers dans mon état natuturel, il me vient l’idée de leur donner par derrière un bon coup de patte, dans la persuasion où je suis que cela leur fera du mal, sans qu’ils puissent en tirer vengeance. Bref, tout change et s’embrouille dans le plus profond de mon âme, tous les objets flottent indécis et décolorés devant mes yeux ; des sentiments étrangers, et que je ne saurais définir, m’agitent et m’oppressent. Le bois ombreux, sous le feuillage duquel j’ai tant de plaisir ordinairement à m’étendre, et que je crois entendre converser avec moi, quand le vent, agitant ses branches, leur fait rendre un murmure doux et varié, ne m’inspire plus que du dégoût : je trouve insupportable la clarté de la lune, cette reine de la nuit qui voit les nuages, en passant devant elle, se parer d’or et d’opale ; mais j’éprouve une envie irrésistible de m’introduire dans les salons brillamment illuminés. Là, je voudrais marcher sur deux pieds, cacher ma queue, me