Page:Hoffmann - Les Bijoux fatals ou Mademoiselle de Scudéri, Roman complet no 6, 1915.djvu/33

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— Pourquoi cette distance bien difficile à admettre ?

— Le maître le voulait ainsi.

— Mais que faisait René Cardillac si tard dans la rue ?

— Je ne puis le dire.

— Il ne sortait jamais de chez lui après neuf heures du soir ?

Ici Olivier hésite : il se trouble, il soupire, il verse des larmes, il jure par tout ce qu’il y a de sacré que Cardillac est sorti cette nuit-là et qu’il a trouvé la mort dans la rue. Or, mademoiselle, remarquez bien ceci : il est démontré avec la plus complète évidence que Cardillac n’a pas quitté son logis cette nuit et par conséquent qu’Olivier, en prétendant qu’il est sorti avec lui, ment effrontément. La porte d’entrée de la maison a une forte serrure qui grince avec un bruit perçant lorsqu’on l’ouvre ou la ferme. À l’étage inférieur, c’est à dire tout près de la porte, demeure le vieux maître Claude Patru avec sa gouvernante. Ces deux personnes ont parfaitement entendu Cardillac, comme il en avait l’habitude, descendre l’escalier à neuf heures précises, fermer et verrouiller la porte avec bruit, remonter, réciter tout haut la prière du soir et entrer dans sa chambre à coucher. Maître Claude souffre d’insomnie comme il arrive aux vieillards. Cette nuit-là, il ne pouvait fermer l’œil. Tout resta calme et paisible jusqu’à minuit. Alors ils entendirent, lui et sa gouvernante, des pas précipités, un grand bruit semblable à celui d’un poids lourd tombant à terre et aussitôt après un gémissement