Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/189

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nes exercés par l’habitude de voir, de comparer & de juger certains objets, d’où résulte dans quelques hommes la faculté d’en juger très promptement ou d’en saisir en un clin d’œil les rapports & l’ensemble. C’est à force de voir, de sentir, de mettre les objets en expérience que nous apprenons à les connoitre ; c’est à force de réitérer ces expériences que nous acquérons le pouvoir & l’habitude de les juger avec célérité. Mais ces expériences ne nous sont point innées ; nous n’en avons point fait avant de naître, nous ne pouvons ni penser, ni juger, ni avoir d’idées avant que d’avoir senti ; nous ne pouvons ni aimer ni haïr, ni approuver ni blâmer avant que d’avoir été agréablement ou désagréablement remués. C’est néanmoins ce que doivent supposer ceux qui veulent nous faire admettre des notions innées, des opinions infuses par la nature soit dans la morale soit dans la théologie, soit dans quelque science que ce puisse être. Pour que notre esprit pense & s’occupe d’un objet il faut qu’il connoisse ses qualités ; pour qu’il ait connoissance de ces qualités il faut que quelques-uns de nos sens en aient été frappés ; les objets dont nous ne connoissons aucunes qualités sont nuls ou n’existent point pour nous.

On nous dira peut-être que le consentement universel des hommes sur certaines propositions comme celle que le tout est plus grand que sa partie, & comme toutes les démonstrations géométriques, semble supposer en eux certaines notions premières, innées, non acquises. On peut répondre que ces notions sont toujours acquises & sont des fruits d’une expérience plus ou moins prompte, il faut avoir comparé le tout à sa partie