Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/214

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tuel & présent. C’est ainsi qu’un souvenir, une modification insensible & légère de notre cerveau anéantit à chaque instant l’action des objets réels qui agissent sur notre volonté. Mais nous ne sommes point les maîtres de nous rappeller à volonté nos idées ; leur association est indépendante de nous ; elles se sont à notre insçu & malgré nous arrangées dans notre cerveau ; elles y ont fait une impression plus ou moins profonde ; notre mémoire dépend elle-même de notre organisation, sa fidélité dépend de l’état habituel ou momentané dans lequel nous nous trouvons ; & lorsque notre volonté est fortement déterminée par quelque objet ou idée qui excitent en nous une passion très-vive, les objets ou les idées qui pourroient nous arrêter, disparoissent de notre esprit ; nous fermons alors les yeux sur les dangers présens qui nous menacent, ou dont l’idée devroit nous retenir, nous marchons tête baissée vers l’objet qui nous entraîne ; la réflexion ne peut rien sur nous ; nous ne voyons que l’objet de nos désirs, & les idées salutaires qui pourroient nous arrêter ne se présentent point à nous, ou ne s’y présentent que trop foiblement ou trop tard pour nous empêcher d’agir. Tel est le cas de tous ceux qui, aveuglés par quelque passion forte, ne sont point en état de se rapeller des motifs dont l’idée seule devroit les retenir ; le trouble où ils sont les empêche de juger sainement, de pressentir les conséquences de leurs actions, d’appliquer leurs expériences, de faire usage de leur raison, opérations qui supposent une justesse dans la façon d’associer ses idées dont notre cerveau n’est pas plus capable à cause du délire momentané qu’il éprouve, que notre main n’est capable d’écrire tandis que nous prenons un exercice violent.