Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/21

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de lui vouloir du bien & du mal ; conséquemment son ignorance & la paresse de son esprit les divinisent, c’est-à-dire leur prêtent de l’intelligence, des passions, des desseins, & leur supposent un pouvoir surnaturel. Le sauvage n’est jamais qu’un enfant ; celui-ci frappe l’objet qui lui déplaît, de même que le chien mord la pierre qui le blesse ; sans remonter à la main qui la lui jette.

Telle est encore dans l’homme sans expérience le fondement de la foi qu’il a pour les présages heureux ou malheureux ; il les regarde comme des avertissemens donnés par ses dieux ridicules, à qui il attribue une sagacité, une prévoyance, des facultés dont il est lui-même dépourvu. L’ignorance & le trouble font que l’homme croit une pierre, un reptile, un oiseau beaucoup plus instruits que lui-même. Le peu d’observations que fit l’homme ignorant ne firent que le rendre plus superstitieux ; il vit que certains oiseaux annonçoient par leur vol, leurs cris, des changemens, du froid, du chaud, du beau tems, des orages ; il vit qu’en certains tems il sortoit des vapeurs du fond de quelques cavernes ; il n’en fallut pas davantage pour lui faire croire que ces êtres connoissoient l’avenir & jouissoient du don de prophétie.

Si peu à peu l’expérience & la réflexion parviennent à détromper l’homme de la puissance, de l’intelligence & des vertus qu’il avoit d’abord assignées à des objets insensibles ; il les suppose du moins mis en jeu par quelque cause secrete, par quelque agent invisible, dont ils sont les instrumens ; c’est alors à cet agent caché qu’il s’adresse ;