Page:Homère - Iliade, trad. Leconte de Lisle.djvu/155

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tombe largement d’une roche élevée. Et, avec un profond soupir, il dit aux Argiens :

— Ô amis, Rois et chefs des Argiens, le Kronide Zeus m’a accablé d’un lourd malheur, lui qui m’avait solennellement promis que je ne m’en retournerais qu’après avoir détruit Ilios aux murailles solides. Maintenant, il médite une fraude funeste, et il m’ordonne de retourner sans gloire dans Argos, quand j’ai perdu tant de guerriers déjà ! Et ceci plaît au tout-puissant Zeus qui a renversé les citadelles de tant de villes, et qui en renversera encore, car sa puissance est très-grande. Allons ! obéissez tous à mes paroles : fuyons sur nos nefs vers la terre bien-aimée de la patrie. Nous ne prendrons jamais Ilios aux larges rues.

Il parla ainsi, et tous restèrent muets, et les fils des Akhaiens étaient tristes et silencieux. Enfin, Diomèdès hardi au combat parla au milieu d’eux :

— Atréide, je combattrai le premier tes paroles insensées, comme il est permis, ô Roi, dans l’agora ; et tu ne t’en irriteras pas, car toi-même tu m’as outragé déjà au milieu des Danaens, me nommant faible et lâche. Et ceci, les Argiens le savent, jeunes et vieux. Certes, le fils du subtil Kronos t’a doué inégalement. Il t’a accordé le sceptre et les honneurs suprêmes, mais il ne t’a point donné la fermeté de l’âme, qui est la plus grande vertu. Malheureux ! penses-tu que les fils des Akhaiens soient aussi faibles et aussi lâches que tu le dis ? Si ton cœur te pousse à retourner en arrière, va ! voici la route ; et les nombreuses nefs qui t’ont suivi de Mykènè sont là, auprès du rivage de la mer. Mais tous les autres Akhaiens chevelus resteront jusqu’à ce que nous ayons renversé Ilios. Et s’ils veulent eux-mêmes fuir sur leurs nefs vers la terre bien-aimée de la patrie, moi et Sthénélos nous combattrons jusqu’à ce que nous ayons vu la fin d’Ilios, car nous sommes venus ici sur la foi des Dieux !