Page:Homère - Iliade, trad. Leconte de Lisle.djvu/180

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— Lève-toi, fils de Tydeus ! Pourquoi dors-tu pendant cette nuit ? N’entends-tu pas les Troiens, dans leur camp, sur la hauteur, non loin des nefs ? Peu d’espace nous sépare d’eux.

Il parla ainsi, et Diomèdès, sortant aussitôt de son repos, lui répondit par ces paroles ailées :

— Tu ne te ménages pas assez, vieillard. Les jeunes fils des Akhaiens ne peuvent-ils aller de tous côtés dans le camp éveiller chacun des Rois ? Vieillard, tu es infatigable, en vérité.

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :

— Certes, ami, tout ce que tu as dit est très-sage. J’ai des guerriers nombreux et des fils irréprochables. Un d’entre eux aurait pu parcourir le camp. Mais une dure nécessité assiége les Akhaiens ; la vie ou la mort des Argiens est sur le tranchant de l’épée. Viens donc, et, si tu me plains, car tu es plus jeune que moi, éveille l’agile Aias et le fils de Phyleus.

Il parla ainsi et Diomèdès, se couvrant les épaules de la peau d’un grand lion fauve, prit une lance, courut éveiller les deux Rois et les amena. Et bientôt ils arrivèrent tous au milieu des gardes, dont les chefs ne dormaient point et veillaient en armes, avec vigilance. Comme des chiens qui gardent activement des brebis dans l’étable, et qui, entendant une bête féroce sortie des bois sur les montagnes, hurlent contre elle au milieu des cris des pâtres ; de même veillaient les gardes, et le doux sommeil n’abaissait point leurs paupières pendant cette triste nuit ; mais ils étaient tournés du côté de la plaine, écoutant si les Troiens s’avançaient. Et le vieillard Nestôr, les ayant vus, en fut réjoui ; et, les félicitant, il leur dit en paroles ailées :

— C’est ainsi, chers enfants, qu’il faut veiller. Que le sommeil ne saisisse aucun d’entre vous, de peur que nous ne soyons le jouet de l’ennemi.