Aller au contenu

Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mentôr, qui était le compagnon de l’irréprochable Odysseus. Et celui-ci, comme il partait, lui confia toute sa maison, lui remit ses biens en garde et voulut qu’on obéit au vieillard. Et, au milieu d’eux, plein de sagesse, il parla et dit :

— Écoutez-moi maintenant, Ithakèsiens, quoi que je dise. Craignez qu’un roi porte-sceptre ne soit plus jamais ni bienveillant, ni doux, et qu’il ne médite plus de bonnes actions dans son esprit, mais qu’il soit cruel désormais et veuille l’iniquité, puisque nul ne se souvient du divin Odysseus parmi les peuples auxquels il commandait aussi doux qu’un père. Je ne reproche point aux Prétendants orgueilleux de commettre des actions violentes dans un esprit inique, car ils jouent leurs têtes en consumant la demeure d’Odysseus qu’ils pensent ne plus revoir. Maintenant, c’est contre tout le peuple que je m’irrite, contre vous qui restez assis en foule et qui n’osez point parler, ni réprimer les Prétendants peu nombreux, bien que vous soyez une multitude.

Et l’Euènoride Leiôkritos lui répondit :

— Mentôr, injurieux et stupide, qu’as-tu dit ? Tu nous exhortes à nous retirer ! Certes, il serait difficile de chasser violemment du festin tant de jeunes hommes. Même si l’Ithakèsien Odysseus, survenant lui-même, songeait dans son esprit à chasser les illustres Prétendants assis au festin dans sa demeure, certes, sa femme, bien qu’elle le désire ardemment, ne se réjouirait point alors de le revoir, car il rencontrerait une mort honteuse, s’il combattait contre un si grand nombre. Tu n’as donc point bien parlé. Allons ! dispersons-nous, et que chacun retourne à ses travaux. Mentôr et Halithersès prépareront le voyage de Tèlémakhos, puisqu’ils sont dès sa naissance ses amis paternels. Mais je pense qu’il restera longtemps ici, écoutant