Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/346

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ses richesses dans ses demeures et qui t’ont méprisé comme des insensés.

Et le sage Odysseus lui répondit en souriant :

— Prends courage, puisque déjà Tèlémakhos t’a sauvé, afin que tu saches dans ton âme et que tu dises aux autres qu’il vaut mieux faire le bien que le mal. Mais sortez tous deux de la maison et asseyez-vous dans la cour, loin du carnage, toi et l’illustre Aoide, tandis que j’achèverai de faire ici ce qu’il faut.

Il parla ainsi, et tous deux sortirent de la maison, et ils s’assirent auprès de l’autel du grand Zeus, regardant de tous côtés et attendant un nouveau carnage.

Alors, Odysseus examina toute la salle, afin de voir si quelqu’un des Prétendants vivait encore et avait évité la noire Kèr. Mais il les vit tous étendus dans le sang et dans la poussière, comme des poissons que des pêcheurs ont retirés dans un filet de la côte écumeuse de la mer profonde. Tous sont répandus sur le sable, regrettant les eaux de la mer, et Hèlios Phaéthôn leur arrache l’âme. Ainsi les Prétendants étaient répandus, les uns sur les autres.

Et le prudent Odysseus dit à Tèlémakhos :

— Tèlémakhos, hâte-toi, appelle la nourrice Eurykléia, afin que je lui dise ce que j’ai dans l’âme.

Il parla ainsi, et Tèlémakhos obéit à son cher père, et, ayant ouvert la porte, il appela la nourrice Eurykléia :

— Viens, ô vieille femme née autrefois, toi qui surveilles les servantes dans nos demeures, viens en hâte. Mon père t’appelle pour te dire quelque chose.

Il parla ainsi, et ses paroles ne furent point vaines. Eurykléia ouvrit les portes de la grande demeure, et se hâta de suivre Tèlémakhos qui la précédait. Et elle trouva Odysseus au milieu des cadavres, souillé de sang et de poussière, comme un lion sorti, la nuit, de l’enclos, après avoir mangé un bœuf, et dont la poitrine et les mâchoires