Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/310

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Que croyez-vous que le lion doive être ?
Esclave, et puis comédien.
L’auriez-vous deviné ? Quoi, traître, oses-tu bien
M’anoncer ce destin, dit le prince au prophéte ?
Tu n’es qu’un ignorant. Sire, je le souhaite,
Dit le singe tremblant. Mais toi,
Sçais-tu ton sort, reprit le roi ?
Voyons ; dirois-tu bien ce qu’il te reste à vivre ?
La griffe étoit ouverte, et le singe à genoux.
Sire, dit-il, j’ai lû dans le céleste livre
Que je devois mourir au même instant que vous.
Ce tour adroit répara l’imprudence.
Le lion superstitieux
Ferma la griffe et retint sa vengeance.
L’amour propre fit encor mieux ;
Il baptisa sa crainte de clémence.
Nos actions parfois ont un air de vertus :
Qu’on les creuse ; c’est un vice ou foiblesse, et rien plus.
Que deviendra la prophétie ?
Écoutez. Le lion arrêté dans des rets
Est pris, enchainé, puis après
Apprivoisé. Son maître en veut gagner sa vie.
Ils partent. Avec eux notre singe devin
Part aussi bien instruit des tours de fagotin.
Par les foires on les promene ;
Par tout nos deux acteurs établissent leur scene,
L’un sérieux, l’autre badin ;
C’est