Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/70

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La raison à cela
Répond : il est encor plus louable par là.
Je rappelle ton premier âge ;
Quand nous faisions l’apprentissage
Moi d’auteur, et toi de héros.
Phoebus me sourioit, et j’arrangeois des mots.
Mars au grand art de vaincre instruisoit ton courage ;
Et leurs éleves, nous faisions,
Moi, des discours, et toi des actions.
Sulli dans ce temps-là te donnoit une fête ;
Campra t’y préparoit des airs
Dont je m’applaudissois d’avoir fourni les vers.
Quand tu vis ton nom à la tête,
Une noble rougeur s’éleva sur ton front.
La loüange dès-lors te sembloit presque affront.
Je te représentai que tu devois souscrire
Au public applaudissement ;
Que quand on sçait bien faire, il faut le laisser dire ;
Et qu’enfin on n’est pas héros impunément.
L’axiome est incontestable ;
Tu ne peux le désavouer.
Or, quand mille vertus t’ont rendu plus loüable,
Et qu’aussi je sçais mieux loüer ;
Je prétends m’en servir, te chanter à mon aise,
Célébrer tour à tour, talens, sagesse, exploits…
Taisez-vous, me dis-tu ; prince, que je me taise !
Taisez-vous encore une fois.
Et bien, prince, traitons ; accommodons l’affaire ;