Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/94

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LES DEUX LEZARDS

Au coin d’un bois, le long d’une muraille,
Deux lezards, bons amis, conversoient au soleil.
Que notre état est mince ! En est-il un pareil ?
Dit l’un. Nous respirons ici vaille que vaille ;
Et puis c’est tout ; à peine le sçait-on,
Nul rang, nulle distinction.
Que maudit soit le sort de m’avoir fait reptile.
Encor, si comme on dit que l’on en trouve ailleurs,
Il m’eût fait gros lezard, et nommé crocodile,
J’aurois ma bonne part d’honneurs :
Je ferois revenir la mode
Du tems où sur le Nil l’homme prenoit sa loi ;
Encensé comme une pagode
Je tiendrois bien mon quant à moi.
Bon, dit l’ami sensé ; quel regret est le vôtre ?
Comptez-vous donc pour rien de vivre sans souci ?
L’air, la campagne, l’eau, le soleil, tout est nôtre :
Jouissons-en, rien ne nous trouble ici.
Mais l’homme nous méprise : en voilà bien d’une autre.
Ne sçaurions-