Page:Houde - Le manoir mystérieux, 1913.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
MYSTÉRIEUX
211

— Ce nom seul, Deschesnaux, suffirait pour changer les larmes en sang. DuPlessis sera puni par ma main ; rien ne me fera changer de résolution.

— C’est une imprudence, monsieur. Mais choisissez le temps et l’occasion, et quittez cet air sombre et égaré.

— Soyez tranquille, Deschesnaux, je ferai tout pour seconder le destin, et mon horoscope sera accompli. Je retourne au château passer la soirée. N’avez-vous rien autre chose à me dire ?

— Je vous demanderai votre anneau, pour prouver à vos autres serviteurs que j’agis d’après vos ordres.

L’intendant prit la bague qui lui servait de sceau et dit en la lui remettant avec un air sombre et terrible :

— Quoi que vous fassiez, agissez promptement.

Puis il sortit précipitamment comme s’il eût voulu fuir le lieu où il venait de donner son ordre barbare, et se rendit au château du commandant, où le gouverneur venait d’arriver, de retour de son voyage aux Forges de St-Maurice. M. Bégon n’était pas encore assez bien pour avoir pu l’y accompagner.

Pendant que le gouverneur parlait à M. Hocquart des forges qu’il venait de visiter, le docteur Painchaud s’approcha d’eux pour rendre compte de l’examen qu’il avait fait de l’état de madame Deschesnaux, comme tout le monde au château appelait Joséphine depuis le matin.

— Eh bien ! docteur, demanda M. de Beauharnais, que pensez-vous de la pauvre femme ?

— Excellence, cette dame garde un sombre silence sur tout ce qui la concerne, ou répond par des mots sans suite. Elle est plongée dans une noire mélancolie, et elle donne tous les signes caractéristiques de l’aliénation. Elle se croit poursuivie, et son imagination en délire