Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/138

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Le salon du grand poète eût été littéraire, s’il n’eût été politique ; mais la poésie et l’art s’enfuyaient, tout effarouchés, devant ces hommes qui s’imaginaient qu’on fait une nation à son image, quand on n’a pas d’image. M. de Lamartine, tout grand qu’il fût, coupait ses ailes de poète pour les mettre dans la poche de M. Odilon Barrot, de M. Anselme Petetin, de M. Victor Considérant. Si David d’Angers venait chez lui, c’était comme homme politique.

Les samedis politiques finirent par l’ennuyer lui-même. Madame de Lamartine invita quelques femmes et quelques hommes et quelques artistes à venir le dimanche, mais ce fut encore la politique qui prit le pas. La société française ne voulait pas qu’on la sauvât, même chez Lamartine. Et, pourtant le grand poète enviait la royauté de madame Récamier, qui avait sauvé la société parisienne dans son salon, comme Noé sauva le monde dans son arche. En ce temps-là, où il n’y avait plus de