Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/20

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— Je sais, dit-il, d’un air entendu : une soupe à la bisque, une sole à la normande, une fricassée de poulet aux truffes.

— Oui, oui, interrompit Sainte-Beuve, au hasard de la fourchette, avec une bouteille de moulin-à-vent.

— C’est cela, dit la demoiselle, pour me faire tourner la tête.

On se mit à table. Elle était assez jolie, cette petite Roxelane qui ne demandait qu’à jeter son chapeau par-dessus la bouteille de moulin-à-vent, mais avec elle, il ne fallait pas causer littérature. Elle avait horreur des livres depuis qu’elle en vendait, comme les petites bonbonnières ont horreur des bonbons. Aussi, dès que nous prononcions un nom connu dans les lettres, elle se mettait à chanter les ballades de Victor Hugo et d’Alfred de Musset.

— Voyez, me disait Sainte-Beuve, nous avons bien tort de ne pas faire de chansons !

Il avait peut-être raison ; les poètes ne sont