Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/276

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mais le lendemain, chez le docteur Véron, elle dit au comte, toute pâle et tout éplorée : « Vous m’avez perdue à force de vouloir me sauver. Je viens de l’Opéra où tout le monde dit que vous avez passé la nuit chez moi ! »

Gilbert de Voisins prit au sérieux les larmes de l’ingénue aux ailes d’or, tant et si bien qu’il voulut sauver l’honneur de la demoiselle en épousant la danseuse.

Par malheur la lune de miel n’eut pas même un quartier. Le mari ne pensa bientôt plus qu’à la séparation. Il quitta sa femme au bout de quelques semaines en lui disant qu’ils avaient fait fausse route tous les deux. Ils ne se revirent jamais… Je me trompe. Bien longtemps après, presque un demi-siècle, ils se rencontrèrent à la table du docteur Véron. On s’était tant oublié, on ne se reconnut pas. Le comte Gilbert de Voisins, qui était à côté de moi, me dit :

— Quelle est donc cette dame assise en face de moi, qui vient de demander qui j’étais ?