Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/297

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n’y allait pas de main morte ! On faisait semblant de tourner çà et là la plaisanterie, mais elle avait son action sur les hommes du pouvoir, comme sur les journalistes du Constitutionnel, et elle montait le ton de l’éloge ou elle faisait le silence. Il ne faut pas oublier que le Constitutionnel était la voix la plus écoutée de l’opinion. Aussi disait-elle d’un air dictatorial : « Soyez sage ou vous aurez affaire à moi. » Véron lui passait cette fantaisie de gouverner le monde en disant : « Elle est si bonne cuisinière ! » Car, elle était tout dans la maison, cette Normande aiguë et laide. Il n’y avait d’autre serviteur qu’un groom. Sophie faisait donc le dîner pour douze personnes. Quand il venait un treizième, elle le mettait à la porte, ou bien Véron s’en allait lui-même dîner au Café de Paris. Outre le rôle de cuisinière, elle avait pris le rôle de femme de chambre ; elle servait à table. En un mot, vrai miracle du travail.

La première fois que j’allai chez le docteur,