Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/45

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Je tentai quelque vague causerie avec la demoiselle, mais elle était renfermée dans sa vertu comme dans un oratoire. « Voyez-vous, me dit la mère, elle n’est pas de ce monde. Aussi j’ai bien envie de la remettre au couvent. »

J’étais de plus en plus surpris. — « Au couvent, qu’est-ce qu’elle ira faire là ? — Comme les autres, adorer Dieu. — Ce n’est pas la peine d’aller au couvent pour adorer Dieu. Ainsi, moi qui vous parle, j’adore Dieu en adorant votre fille. — Vous pourriez bien dire votre demoiselle. — Votre demoiselle si vous voulez. » — Ici, un air de violon. — « Ce Paganini ne ressemble-t-il pas au diable lui-même ? Il vous transporte au ciel, dit la jeune fille. »

À cet instant, Paganini jouait le Réveil des Anges, un hymne qu’il avait arrangé d’après Palestrina. C’était divin. La jeune fille pleura. Je ne pouvais croire que ce fût la fille de ma voisine. « — C’est votre fille adoptive, ma-