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LA LINGUISTIQUE.

sont formés de simples racines monosyllabiques, isolées, indépendantes en principe les unes des autres.

Il est bon de le dire dès maintenant, tous les systèmes linguistiques ont passé par cette période du monosyllabisme ; les langues les plus complexes sous le rapport de la forme, c’est-à-dire les langues à flexion — telles, par exemple, que les langues indo-européennes — révèlent à l’analyse scientifique les traces non équivoques d’une origine monosyllabique, origine lointaine et à laquelle elles ne remontent que par l’intermédiaire d’un autre état, mais que l’on ne saurait mettre en doute un seul instant. C’est ce que nous aurons à constater en temps opportun. Nous verrons aussi, au moment voulu, que la forme intermédiaire, la période de l’agglutination — où l’on rencontre, par exemple, le basque, le japonais, les langues dravidiennes — a donné naissance au système de la flexion, mais qu’elle provient, elle-même, de la couche inférieure, celle du monosyllabisme qui nous occupe en ce moment.

Ce n’est pas à dire que toutes les langues agglutinantes doivent se changer quelque jour en langues à flexion, ni que toutes les langues isolantes (c’est-à-dire monosyllabiques) soient appelées à devenir agglutinantes. Non, sans doute. Bien des langues ont péri qui appartenaient aux deux classes inférieures, et il est certain que, parmi les langues aujourd’hui vivantes et qui se trouvent soit à l’étage du monosyllabisme, soit à celui de l’agglutination, le plus grand nombre est fixé d’une manière définitive ; l’on peut dire, par exemple, sans hésitation que le basque, que les idiomes des Indiens de l’Amérique septentrionale périront sous leur forme actuelle.

D’ailleurs, ce n’est pas sans causes déterminantes que telle ou telle langue s’est fixée de façon définitive dans telle ou telle couche, par exemple, dans celle du monosyllabisme ou dans celle de l’agglutination, et qu’elle ne mani-